Première - Hors-série

JASON BLUM

- PAR FRANÇOIS LÉGER (AVEC FRÉDÉRIC FOUBERT)

À coups de tout petits budgets et de très gros cartons, il a dominé l’horreur industriel­le des années 2010, remis en selle M. Night Shyamalan, réaffirmé la dimension politique et satirique du genre… Le producteur au sourire carnassier retrace l’irrésistib­le ascension de Blumhouse Production­s.

PARANORMAL ACTIVITY de Oren Peli

Un couple suspecte sa maison d’être hantée par un esprit démoniaque et laisse tourner sa caméra durant la nuit. Ultra-rentable, le film impose le modèle Blumhouse.

« Au début de ma carrière, je travaillai­s chez Miramax et on a refusé Le Projet Blair Witch. Comme la plupart des producteur­s à l’époque d’ailleurs ! C’était rageant, mais ça m’a appris qu’il fallait faire confiance à son instinct. Quand j’ai découvert Paranormal Activity, dix ans plus tard, il était hors de question de louper le coche. J’ai écouté mes tripes alors que tout le monde pensait que

INSIDIOUS de James Wan

Un enfant tombe mystérieus­ement dans le coma et son père doit sauver son âme, perdue dans un monde parallèle rempli de démons. La rencontre avec le wonderboy James Wan.

« Je me suis rendu compte pour la première fois qu’on pouvait donner une voix aux réalisateu­rs qui ne s’épanouisse­nt pas dans le système hollywoodi­en classique. James Wan avait fait Saw puis deux films pour Universal et Fox qui s’étaient plantés. Ça l’avait placardisé! Un jour, il a débarqué dans mon bureau avec le scénariste Leigh Whannell pour me pitcher Insidious. J’étais très

j’étais fou. Je n’imaginais pas que ça allait être un tel carton, mais j’étais sûr que ça fonctionne­rait. Le film était sur le point de sortir en direct-to-DVD. J’ai dit au réalisateu­r qu’il fallait qu’on bosse ensemble pour que je réussisse à le sortir en salles. On a mis trois ans pour y arriver. Mais j’avais le sentiment qu’ainsi il serait vu par le plus grand nombre. Après le succès du premier, j’ai compris qu’il y avait un super business à monter autour de films high concept à petit budget. Tous les films suivants produits par Blumhouse sont nés grâce à Paranormal Activity. C’est notre matrice. » emballé, et James m’a assuré qu’il pouvait le tourner pour un million de dollars. Il savait qu’il était bon et il avait besoin de le prouver. On l’a finalement fait pour 998 000 dollars et il a rapporté plus de 100 millions à travers le monde! Ça a été un vrai tournant pour Blumhouse, parce que jusque-là tout le monde pensait que Paranormal Activity relevait du tour de magie. On rentrait dans la cour des grands. Je pense même qu’on aurait pu faire un peu plus d’argent aux ÉtatsUnis, car le marketing n’était pas à la hauteur. Le succès d’un film, c’est 50 % sa qualité, 50 % le marketing. »

AMERICAN NIGHTMARE de James DeMonaco

Dans une Amérique dystopique, tous les crimes sont autorisés une nuit par an. Un potentiel blockbuste­r repensé comme un thriller horrifique low cost avec Ethan Hawke. Encore un carton.

« À la base, c’était un film bien plus gros, un projet qui traînait depuis un moment chez Luc Besson. Il devait le produire pour 8 ou 10 millions de dollars. Il n’en a rien fait et pour sa défense, ça ne tenait pas debout dans cette configurat­ion. Il y avait 99 façons de se planter avec un scénario pareil, et une seule de réussir : il fallait le faire pour très peu d’argent. Heureuseme­nt, le réalisateu­r et scénariste James DeMonaco avait la même vision que moi. Je lui ai donné mon accord pour 2,5 millions, pas plus. Bon, on a fini à 2,9 millions mais ce n’est pas si mal. (Rires.) Le premier film était une sorte d’étude de faisabilit­é qui a immédiatem­ent fait “tilt” chez les spectateur­s. Mais plus qu’un huis clos claustroph­obe, les gens voulaient voir ce qui se passe la nuit de la Purge, en dehors de la maison. Ce qu’on a fait avec le deuxième et le troisième, et la série télé est dans la même veine. »

THE MIRROR de Mike Flanagan

Un superbe et terrifiant Shining de poche, où un frère et une soeur errent dans une maison en forme de labyrinthe mental. Gros choc, et révélation de l’inconnu Mike Flanagan.

« J’ai découvert The Mirror [Oculus en VO] au festival de Toronto. Je l’ai adoré et j’ai été frappé par la qualité de la réalisatio­n. J’ai discuté avec la société de distributi­on Relativity Media pour aider la promotion aux États-Unis. En fait, c’est un processus assez courant pour nous, c’est ce qui est arrivé avec Paranormal Activity, The Visit, Unfriended… Des films terminés ou pratiqueme­nt terminés dont personne ne semble vouloir, pour des raisons qui m’échappent. On a signé un deal avec Relativity et on a sorti le film. Les résultats au box-office ont été OK, sans plus, mais ça m’a permis de rencontrer Mike Flanagan avec qui on a fait ensuite Ouija : Les Origines et Pas un bruit.»

THE VISIT de M. Night Shyamalan

La résurrecti­on de Shyamalan après le bide d’After Earth. Deux mômes passent une semaine dans la ferme de leurs grands-parents, qui cachent un terrible secret. Un film de peur hyper efficace et le retour triomphal d’un grand cinéaste. Blum maousse.

« J’ai essayé de rencontrer M. Night par tous les moyens possibles. Je me suis même rendu à Philadelph­ie pour lui expliquer notre modèle de production : petit budget, grande liberté pour le réalisateu­r. Il m’écoutait poliment… On a eu plusieurs discussion­s à ce sujet et puis enfin, à l’été 2014, il m’a téléphoné : “Ça y est, je l’ai fait. J’ai tourné

WHIPLASH de Damien Chazelle

Changement de registre. Miles Teller se fait harceler par J.K. Simmons, son professeur de batterie, devant la caméra de Damien Chazelle. Bilan : trois Oscars.

« Pour être honnête, à la première lecture, j’ai trouvé le script pas trop mal, mais sans plus… Et puis ça allait à l’encontre de tout ce qu’on faisait avec le cinéma d’horreur depuis des années. Est-ce qu’on ne s’écartait pas trop de ce qu’on savait faire? Sauf qu’en y réfléchiss­ant bien, Whiplash n’est pas si éloigné des autres production­s Blumhouse : c’est la version cannoise un film à petit budget.

” J’étais sidéré ! Il avait financé The Visit lui-même et voulait mon avis sur son premier montage. À l’époque, il sortait d’After Earth, qui avait perdu de l’argent. Je crois qu’il a été séduit par ce qu’on lui offrait, il revenait à quelque chose à taille humaine où il pouvait pleinement exprimer sa vision. Il avait besoin de repasser par un petit film de genre pour se retrouver en tant que réalisateu­r. C’était la première marche vers Split, qui lui-même mène logiquemen­t à Glass. J’espère qu’après, il ne voudra pas revenir aux gros budgets. Parce que je ne crois pas que son cinéma soit adapté aux blockbuste­rs.

» du film d’horreur, tous les codes sont là ! J’ai commencé à vraiment m’intéresser au projet quand Jason Reitman est arrivé à la production, car j’avais terribleme­nt envie de travailler avec lui. On a demandé à Damien Chazelle de faire un court métrage avec quelques pages de son scénario. Et il a décroché le Prix du jury à Sundance 2013 ! Là, il fallait que je me réveille. Damien possède un talent impossible à ignorer. Il s’est lancé sur le long et ce qu’il a réussi à faire avec trois millions de dollars me laisse encore sans voix. Si on m’avait dit qu’un jour je produirai un film nommé aux Oscars… »

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