JAMET N’OUBLIE Alex Lutz débriefe Guy
Au terme d’une année hyperactive et protéiforme, Alex Lutz revient sur la fabrication et la réception de son deuxième long métrage, Guy. Critiques élogieuses mais entrées modestes : un futur film culte?
En 2018, Alex Lutz a été le Fantasio de Spirou au cinéma, a mis en scène une pièce sur Françoise Sagan au théâtre du Lucernaire, a sillonné la France avec son nouveau spectacle et usiné des dizaines d’épisodes de Catherine et Liliane... Ah, et oui, accessoirement, il a aussi sorti son deuxième film en tant que réalisateur, Guy. Dans ce faux documentaire, Lutz acteur livre la performance la plus impressionnante de l’année dans la peau de Guy Jamet, une vieille gloire de la chanson française filmée par un jeune cinéaste en quête de père. Hâbleur, tendre, grognon, pas bégueule et terriblement attachant... À travers ce personnage tragi-comique, Lutz auteur explore les rapports entre les baby-boomers et les enfants de la crise. Entre ritournelles nostalgiques et spleen très contemporain, ce drôle d’objet doux-amer a emballé la critique sans vraiment déchaîner les foules. On parie qu’il deviendra culte. En attendant, on a demandé à Alex Lutz de revenir sur la fabrication et la réception du film.
PREMIÈRE : Guy est adoré par la critique… mais il n’a fait « que »
175 000 entrées. C’est une déception ? ALEX LUTZ : Je trouve qu’on est devenus complètement tarés avec les chiffres. Je savais pertinemment que je n’allais pas remplir des salles et des salles avec ce film ! Il ne faut pas oublier que c’est une espèce d’ovni sur un vieil homme que personne ne connaît. J’ai effectivement eu une critique merveilleuse, mais aussi des notes « public » formidables. Le film continue à exister partout en festival, et comme c’est un petit budget, tout le monde est rentré dans ses frais... Moi, je suis hyper heureux. Et puis, je suis conscient que ce n’est pas parce que j’ai une carrière qui marche au théâtre et que Catherine et Liliane a fini par cartonner que, tout d’un coup, ça doit être pareil au cinéma. Ce film aura fait mieux que le précédent [Le Talent de mes amis en 2015, 98 354 entrées], c’est super et j’essaierai de faire encore mieux la prochaine fois. C’est long une carrière, normalement.
En écrivant, aviez-vous l’ambition de faire une comédie populaire ?
Non. J’ai adoré Le Grand Bain et j’ai remercié Gilles Lellouche d’avoir fait une comédie qui est à la fois populaire et pointue. Mais Guy n’est pas vraiment populaire, c’est plutôt une comédie dramatique. On y rit, mais il y a une part d’onirisme, une petite touche de mélancolie... Je savais que je faisais un objet particulier. Je ne sais pas quelle vocation il avait, en fait. J’ai eu besoin de le faire. Mais sa destination, son box-office, c’était très secondaire dans mon esprit.
Après Catherine, vous êtes encore une fois méconnaissable dans la peau de Guy Jamet. Vous ne pensez pas que cela peut nuire à l’identification par le public ?
C’est sûr que je ne franchise pas. Je demande aux gens d’être un peu à l’affût. Mais j’espère que ça va devenir mon identité.
Guy deviendra peut-être culte après sa sortie en vidéo, à la manière de Spinal Tap... Cette tradition anglosaxonne du faux documentaire vous a-t-elle influencé ?
Guy, ce n’est pas du tout Spinal Tap. J’aime bien Spinal Tap, mais j’y vois trop de trucs, de ficelles... Le rire qui accompagne le film n’est pas toujours nécessaire. Moi, je ne voulais pas du tout faire un pastiche de documentaire. Les documentaires de cinéma ont de plus en plus une facture, une signature, on les regarde comme on consomme une histoire. Quand vous voyez Twenty Feet