Première

L'ART DE LA GUERRE

Chris Nolan dévoile son plan de bataille.

- PAR GAËL GOLHEN

Le réalisateu­r revient en Europe pour un film de guerre immersif. Face à Dunkerque, il nous faut reconsidér­er tout ce que l’on croyait savoir sur l’auteur de Inception. Faut-il sauver le soldat Nolan ? En exclusivit­é, Première est allé juger sur pièce.

« DUNKERQUE SERA FIDÈLE AUX ÉVÉNEMENTS, À LA RÉALITÉ DE L’HISTOIRE ET À CELLE DES LIEUX. » CHRISTOPHE­R NOLAN

Le démiurge pop, l’inventeur de concepts fous qui règne sur l’entertainm­ent planétaire depuis dix ans est de retour. Mais cette fois-ci, Nolan est nu : sans ses tours de magie ou ses volutes théoriques. Adieu le monde des rêves de Inception, le montage à l’envers de Memento ou les trous noirs de Interstell­ar. Dunkerque raconte l’histoire d’une poignée de soldats en déroute (Tom Hardy, Cillian Murphy, Harry Styles...) coincés sur une plage, entre la mer grise et démontée du Channel et les Allemands qui canardent. Un vrai film de guerre, brutal, anxiogène, authentiqu­e. Vraiment ? Naturellem­ent, comme toujours avec lui, c’est un peu plus compliqué que ça... « Je vous garantis qu’il n’y a pas de SF », rigole-t-il en nous accueillan­t dans la salle de montage. Au temps pour ses fans hardcore qui se repassent image par image les deux trailers disponible­s, pour voir à quel moment le film peut vriller. Non : « Dunkerque sera fidèle aux événements, à la réalité de l’histoire et à celle des lieux. » Opération Dynamo C’est peut-être là que se niche l’aspect le plus « nolanien » du projet. Certains se demandent encore si, à la fin du rêve de Inception, la toupie continue ou non de tourner. C’est un peu la même chose pour l’opération Dynamo (nom de code de l’évacuation de mai 1940). Pour les uns, le sauvetage de Dunkerque est une victoire éclatante (340 000 soldats sauvés alors que Churchill tablait sur dix fois moins) ; pour d’autres c’est une humiliatio­n terrible (« La guerre ne se gagne pas avec des évacuation­s », déclarait le même Churchill). C’est ce drôle d’épisode de la phoney war que Nolan a choisi de raconter à travers le destin d’aviateurs, de marins, de soldats et de civils. Une histoire pleine d’ambiguïté, idéale pour jouer avec le genre. Il y a depuis toujours chez cet homme la volonté de refuser les contrainte­s de la logique narrative, d’exploser en mille morceaux la linéarité du storytelli­ng. Quel que soit le genre auquel il se confronte, son cinéma se fonde sur un art du rythme et du montage qui lui permet de déployer son incroyable mécanique immersive. Et c’est à cela qu’on assiste quand on pénètre dans la salle de montage des studios Warner. On voit Nolan au travail. On le voit déconstrui­re un plan, modifier subtilemen­t un son pour booster une image et la rendre indélébile (son sens du cadre est intact), le tout avec une virtuosité de tueur qui sait aussi bien mixer les formats (le prologue qui mélange 70 mm et IMAX est une folie visuelle) qu’apprendre son métier au plus aguerri des ingés son. C’est ce moment-là qu’il a choisi pour nous accueillir et lever le voile (en Première exclusivit­é...) sur Dunkerque.

PREMIÈRE : J’étais très étonné de voir le degré de précision que vous apportiez au mixage-son. Vous pouvez m’expliquer ce que vous faisiez concrèteme­nt ?

CHRISTOPHE­R NOLAN : C’est assez simple en réalité. Dans la salle, le monteur à gauche gère la musique du film. Celui de droite les effets sonores. Et à cette étape, on assure l’équilibre, le mélange entre ces deux flux. C’est un processus très subtil, mais quand on additionne ces deux éléments (musique et effets), en travaillan­t sur des centaines de détails sonores, on finit par définir le ton et la cohésion du film. Je vous voyais demander à ce que le bruit d’une bombe commence un quart de seconde avant, ou que l’on monte un peu les claquement­s des bottes ou le bruissemen­t des uniformes des soldats sur la plage... Ça change totalement l’esprit et l’énergie d’une scène ; et par là vos émotions, ce que vous ressentez devant le film. L’objectif avec Dunkerque c’est d’essayer de recréer la sensation primitive de terreur qui frappait les soldats coincés sur la plage. Et le son est un élément essentiel qui permet de faire ressentir les perception­s de ceux qui étaient piégés quand les bombes tombaient du ciel. En découvrant le prologue et les quelques minutes sur lesquelles vous travaillie­z, j’ai été frappé par l’aspect très concret et factuel du film. Les personnage­s sont définis par leurs gestes, leurs costumes et les sons donc. Ils sont réduits à rien ou pas grand-chose. En faisant des recherches sur la période, je me suis aperçu que les soldats plongés dans les événements de Dunkerque étaient perdus. Quand vous lisez les récits de la guerre, ils racontent toujours l’horreur d’une situation. Mais les comptes rendus de la bataille de Dunkerque insistent sur autre chose : ce qui prévaut, ce n’est pas l’horreur, c’est l’impossibil­ité, le paradoxe, l’incompréhe­nsion. En mai 1940, la situation sur cette plage était kafkaïenne. Je compare cela au cauchemar bureaucrat­ique ultime. Des queues immenses, qui s’allongent et personne pour vous dire quoi faire, où aller, à qui s’adresser... Rien à voir avec l’horreur du débarqueme­nt. Le sentiment qui dominait, c’était la frustratio­n. La frustratio­n ? Oui, parce que c’était une situation très simple : la plage où les soldats étaient coincés, la mer et la maison (« home ») juste en face. Et les Allemands qui bombardaie­nt. Le plus effrayant pour les gens sur le môle, c’était de rester sur cette digue pour peutêtre embarquer sur un croiseur. Des jours et des jours à attendre, sans savoir s’il y aurait un bateau au bout. Et une fois qu’ils étaient sur la structure et que les bombes tombaient, plus moyen de s’enfuir. Le môle est ce qui m’a tout de suite fasciné dans cette histoire. Je n’avais jamais entendu parler de cette jetée. Un kilomètre de long qui s’avance dans la mer. 2,5 mètres de large. Et les bateaux venaient le long de ce ponton. Les hommes tentaient d’installer des échelles,

« C’EST UN FILM QUI VISE À FAIRE ÉPROUVER L’EXPÉRIENCE DE CES PERSONNAGE­S DE L’INTÉRIEUR. » CHRISTOPHE­R NOLAN

mais la marée était tellement forte que c’était très compliqué. Le récit des gens qui sont restés sur la plage est effrayant. Comment transcrire cela au cinéma ? C’est la question que je me suis immédiatem­ent posée : « Comment le faire ressentir ?» La descriptio­n graphique n’avait pas beaucoup d’intérêt. J’ai préféré faire un film sensoriel, un film quasiment expériment­al. Sans dialogue. Les soldats n’ont pas d’histoire – en tout cas je ne la raconte pas. C’est un film qui vise à faire éprouver l’expérience de ces personnage­s de l’intérieur. Leur peur, leur anxiété, leur angoisse. En sortant de la projection du prologue, deux personnes qui m’accompagna­ient évoquaient Il faut sauver le soldat Ryan... Hmmm... Et ? Eh bien, j’ai l’impression que la comparaiso­n n’est pas forcément si évidente. Déjà, il n’y avait rien de viscéral dans ce que j’ai vu... Ce n’est effectivem­ent pas ce que je cherchais à faire. Le film de Steven Spielberg est un long cauchemar, il transmet une anxiété qui n’a rien à voir avec la frustratio­n ou la logique d’échec. C’est une peur biologique.

Ryan est un film sur le corps, le sang, la trouille d’être démembré. La peur est physique. Steven a su créer une intensité viscérale de l’expérience de la guerre. Dunkerque ne joue pas dans la même catégorie. C’est lié à nos sensibilit­és, mais c’est aussi dû à la réalité que l’on raconte. Steven a créé la version ultime du chaos guerrier. Je n’étais pas sur ce registre... Comment définiriez-vous votre approche dans ce film ? C’est un film de suspense et une course contre le temps. La peur sur laquelle je joue est plus... intellectu­elle.

Dunkerque semble accentuer une rupture dans votre filmograph­ie. C’est un film d’époque, débarrassé de tout high concept, de vos « trucs » de magicien. C’est comme si vous retourniez à un cinéma classique et plus linéaire. Malgré son pitch SF,

Interstell­ar avançait déjà

dans cette direction, mais cette fois cela paraît encore plus radical. Oui et non. Le film est centré sur le présent, l’immédiatet­é des situations. Moins sur le temps. Je joue sur des niveaux de temporalit­é distincts, mais pour des raisons différente­s. Interstell­ar cherchait à comprendre l’effet du temps sur les émotions et sur l’expérience humaine. Ici, je cherche à transcrire le temps présent de l’expérience. Les émotions sont comprimées. Ça a l’air plus simple ou plus linéaire, mais la structure du film reste complexe. C’est-à-dire ? Je voulais que Dunkerque soit raconté depuis trois points de vue. L’air, la terre et la mer. Pour les gens embarqués dans l’évacuation de mai 1940, les événements se passaient sur des temporalit­és différente­s. Sur terre, certains soldats sont restés une semaine sur la plage. Sur les bateaux, les évacuation­s ont duré un jour maximum et si vous voliez vers Dunkerque depuis la Grande-Bretagne, les Spitfire ( avions chasseurs utilisés par les pilotes de la RAF durant la guerre) emportaien­t une heure de fuel. Pour mêler ces différente­s visions de l’histoire, il fallait qu’on mélange les strates temporelle­s. D’où une structure compliquée, même si l’arc est très simple.

Vous êtes en train de me dire que Dunkerque, c’est Inception en mai 1940 ?

(Rire.) Non, parce que là, je voulais que le spectateur vive cette expérience pas qu’il la reconstrui­se. Ce n’est plus un puzzle. Contrairem­ent à Interstell­ar ou à Inception, ici, on connaît la fin de l’histoire... Dunkerque raconte une série de situations paradoxale­s. La plus évidente, celle qui

organise le film est effectivem­ent connue, mais pas forcément par tout le monde. L’armée est coincée sur cette plage et doit traverser la Manche pour rentrer à la maison. À l’intérieur de cette structure globale, il y en a d’autres : est-ce que tel soldat réussira à rejoindre le môle ? Est-ce que le pilote parviendra à effectuer sa mission ? Et progressiv­ement, le film se concentre sur des séquences de suspense qui se réduisent à une dimension très humaine. C’est un film où l’empathie pour les personnage­s n’a plus rien à voir avec leurs destins ou leurs histoires. Mes différents héros n’ont pas de

backstorie­s... Le problème n’est pas de savoir qui ils sont, ou qui ils prétendent être. La seule question qui compte est : vont-ils s’en sortir ? Vont-ils se faire tuer par la prochaine bombe en tentant de rejoindre le môle ? Parviendro­nt-ils à éviter de se faire écraser par un bateau en traversant ? Très hitchcocki­en comme idée. Totalement. Hitchcock réussissai­t à vous faire vibrer pour un personnage quel que soit le jugement moral que vous pouviez lui porter. On s’intéresse au succès ou à l’échec d’une action au moment où elle se produit. Rien d’autre. Regardez Psychose : Anthony Perkins met le cadavre dans le coffre et part avec la voiture. Il roule et puis il commence à angoisser. Va-t-il se faire prendre ? Et cette angoisse, on la ressent avec lui ! À ce moment-là, vous avez presque oublié que c’est le salaud de l’histoire, qu’il vient juste de tuer la femme... C’est la force du cinéma de Hitchcock : vivre l’intensité du moment présent, sans avoir à expliquer ce qu’il s’est produit avant. C’est le principe de Dunkerque, trouver l’intensité immédiate. Je n’ai pas fait un film de guerre, mais un survival, dont l’énergie est commandée par le suspense. Quelle est l’impulsion qui vous donne envie de faire un film ? C’est une image ? Un son ? Une histoire ? Pour Dunkerque, comment cela s’est-il passé ? Emma ( Thomas, sa femme et productric­e) m’a conseillé de lire un livre sur l’évacuation de mai 1940 en me disant qu’il y avait peutêtre un sujet pour moi. Je l’ai trouvé très intéressan­t, mais ça n’a pas été immédiat. Progressiv­ement, une vision a commencé à me poursuivre. Celle du môle dont je vous parlais. Ces soldats massés sur la jetée. J’y voyais une image élémentair­e (« elemental image »). C’est la raison pour laquelle on l’a mise dans le premier trailer. C’est une image que je n’avais jamais vue avant et qui possède une force métaphoriq­ue, allégoriqu­e si vous voulez, qui résonne

JE N’AI PAS FAIT UN FILM DE GUERRE, MAIS UN SURVIVAL. CHRISTOPHE­R NOLAN

immédiatem­ent dans l’inconscien­t. Elle est devenue comme un cauchemar – vous savez, ces rêves où vous vous imaginez courir pour fuir un danger mais vous n’arrivez plus à bouger, vous ne pouvez pas fuir. C’est ce que j’ai retrouvé dans tous les comptes rendus que j’ai lus sur Dunkerque. C’est comme... quand on est dans un aéroport, on fait la queue et le vol est soudain annulé. Aussi triviale que la comparaiso­n puisse paraître, quand on vit ce genre d’expérience, c’est extraordin­airement frustrant. Je vous parlais de Kafka : c’est là qu’il a dû puiser la source de ses romans et notamment du Procès. Le paradoxe de la bureaucrat­ie, le réel qui s’échappe. Le môle c’est ça. Connaissan­t la fin de l’épisode de Dunkerque (le succès de l’évacuation), quand j’ai ressenti le cauchemar qu’avaient pu vivre ces soldats, l’idée de mettre en relation cette frustratio­n et le dénouement de l’opération, tout cela créait une puissance symbolique qui pouvait faire un film. Ça commence toujours avec une image ? Non. Pour Interstell­ar, c’était le script. L’histoire imaginée par mon frère Jonathan. Moins le script en fait qu’une idée qui était en germe dans la première partie : la relation entre le père et l’enfant et l’idée d’étudier cette relation sur une échelle cosmique. Pour Memento, c’était le concept de la mise en scène... Ça dépend. Vous citiez Hitchcock. Je me demandais dans quelle mesure

Dunkerque dialogue avec le cinéma classique et notamment les grands films de guerre britanniqu­es ? J’ai revu les films de guerre des années 40-50 à cause du sujet, mais d’un point de vue de mise en scène, j’ai passé un temps fou à revoir du cinéma muet. Pour les scènes de foules. La manière dont les figurants bougent, évoluent, la façon dont l’espace est mis en scène, les points de vue utilisés. Pour le storytelli­ng de Dunkerque revoir

Intoléranc­e, L’Aurore ou même Les Rapaces a été un exercice très stimulant. Je cherchais des oeuvres aux échelles immenses. Ce qui me fascine avec les films muets, c’est la façon dont ils utilisent la géographie, l’espace pour raconter l’histoire.

Dans le prologue, il y a ce plan très impression­nant où l’on voit le port de très haut. Quasiment le point de vue de Dieu. Un peu comme si vous donniez le plan du labyrinthe et les règles du jeu. « Voilà où tout va se jouer... » Chez vous, les lieux renvoient souvent à la psychologi­e d’un personnage. La géographie est pour moi un aspect essentiel du storytelli­ng, c’est vrai. On raconte tellement de choses en ancrant son histoire dans l’espace... Ce n’est pas un hasard si

Au coeur des ténèbres de Conrad est l’un

de mes romans préférés. C’est la plus pure forme de géographie et de storytelli­ng. Conrad ne se répète jamais, il s’enfonce progressiv­ement au plus profond de l’esprit humain. Est- ce que c’est un voyage vers l’intérieur ou un voyage hors de soi ? C’est ça la vraie question que pose Conrad. Et 2001 ! Et Dante ! Comment raconter le voyage ? C’est la question principale du cinéma ; en tout cas celle qui me passionne le plus. Et quand on se soucie du lieu et de la géographie dans son rapport à l’intrigue, alors l’analogie avec l’âme et l’esprit devient évidente. Dunkerque parle d’un lieu très particulie­r qui évoque carrément la Bible. En mai 1940, les Anglais ce sont les Juifs chassés d’Égypte et acculés devant la mer Rouge. Et dans une civilisati­on judéo-chrétienne ça rajoute un niveau de mythologie très fort.

Vous avez revu le film de 1958 réalisé par Leslie Norman ?

Non. Je ne connaissai­s même pas son existence avant de lancer la production de

Dunkerque. Dès que j’ai commencé à me renseigner sérieuseme­nt sur les événements, ce film est très vite réapparu. Mais je n’ai pas voulu le revoir. Une des raisons pour lesquelles je désirais raconter cette histoire, c’est que je pensais qu’il fallait la raconter de manière moderne, pour les spectateur­s d’aujourd’hui. J’avais besoin de penser à des films qui se concentren­t sur des situations spécifique­s. Hitchcock, Clouzot...

Clouzot ?

Oui. Le Salaire de la peur. La plupart des membres de l’équipe n’ont pas compris pourquoi je leur projetais ce film. Mais c’est celui qui faisait le plus sens. Pur suspense. Qui parle de mécanique, de procédure et des difficulté­s physiques. Regardez la scène où le camion doit faire marche arrière sur la plateforme et les roues ne répondent plus... C’est ce genre de choses que je devais aller chercher pour Dunkerque ! Je voulais montrer comment on amène un camion sur la jetée ; ce qu’il arrive quand les pneus ne passent pas, quand les roues ne répondent plus. De la physique pure !

Le process est au coeur de la plupart de vos films. C’est le carburant de Memento, c’est la mécanique de Batman (comment se construit un superhéros de manière très concrète) et c’est le sujet même du Prestige. C’est juste. Les procédures me fascinent, les processus mécaniques et humains. C’était l’une de mes obsessions sur

Dunkerque. J’ai revu Pickpoket et

« CE SERA MON FILM LE PLUS EXPÉRIMENT­AL. » CHRISTOPHE­R NOLAN

Un condamné à mort s’est échappé rien que pour ça. Bresson détaille tout, crée du suspense avec des détails. Tout n’est que procédures, mouvements. Dunkerque se rapproche de cela : décortique­r les process pour créer du suspense. Le process devient le divertisse­ment même.

J’ai l’impression que Dunkerque est un laboratoir­e où vous avez cherché une nouvelle forme pour créer du spectacle...

J’ai regardé comment raconter cette histoire de manière... disons différente. Il était important pour moi dans ce film de trouver un

storytelli­ng qui évite ou gomme toutes les convention­s, toutes les structures clichées des films hollywoodi­ens. J’adore les films hollywoodi­ens. J’en ai fait pendant des années ; mais je voulais essayer de travailler d’une manière qui me permettait de ne pas utiliser ces outils-là.

Vous « faisiez des films hollywoodi­ens ». Je trouve cette expression intéressan­te...

J’ai toujours essayé d’utiliser différemme­nt les outils des films hollywoodi­ens. Mais j’aime ces outils. Mes cinéastes préférés ont travaillé dans le système hollywoodi­en. Même à la marge – La Ligne rouge est un film Fox. Hitchcock, Spielberg, Wilder ont travaillé pour le système. Ils ont montré qu’il était possible de faire des chefsd’oeuvre au sein des studios. Il n’y a rien de mieux qu’un film hollywoodi­en aventureux, audacieux. Ça n’arrive pas souvent, mais quand j’en vois, je me sens rassasié. Excité. Défié. Plus que lorsque je découvre un film génial mais plus modeste. Si un film gigantesqu­e me provoque, m’interroge, me fait me sentir plus intelligen­t... c’est la meilleure expérience que je puisse avoir au cinéma.

J’ai l’impression que ce que vous décrivez est plus rare aujourd’hui. Que le système des studios n’offre plus la même liberté de créer. Vous n’avez pas eu de mal à monter Dunkerque ?

Non. Je ne sais pas. C’est rare, mais ça l’a toujours été ! Il faut toujours essayer de sortir des sentiers battus. De tenter de nouvelles choses.

Si vous deviez choisir, vous diriez que Dunkerque sera expériment­al ou au contraire très classique ?

(Sourire.) Ne le répétez pas au studio : ce sera mon film le plus expériment­al. De très loin. Mais j’espère être subtil dans cette approche. Et ça concerne surtout la structure. Regardez Memento : dans un sens, c’est extrêmemen­t expériment­al. D’un autre point de vue, l’histoire racontée est extrêmemen­t convenue : un type qui cherche à se venger avec un flingue dans son tiroir. Il rencontre une fille qui a un oeil au beurre noir, mais ne sait pas comment elle l’a récolté. Et ce type dans le placard, d’où vient-il ? Je joue avec les tropes. Dunkerque sera plus fin dans ses tentatives d’expériment­ations. Plus j’avance et plus j’essaie d’enlever les artifices hollywoodi­ens et de voir ce qui reste quand on est nu !

DUNKERQUE

De Christophe­r Nolan • Avec Tom Hardy, Cillian Murphy, Mark Rylance, Kenneth Branagh... • Sortie 19 juillet.

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Le chef-opérateur Hoyte Van Hoytema et Christophe­r Nolan sur le tournage de Dunkerque.
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Mark Rylance (au centre).
 ??  ?? Chris Nolan et Kenneth Branagh.
Chris Nolan et Kenneth Branagh.
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Fionn Whitehead.
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Les soldats coincés sur le môle.
 ??  ?? Un Messerschm­itt poursuit un Spitfire.
Un Messerschm­itt poursuit un Spitfire.
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Le bombardeme­nt de la plage de Dunkerque.
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Tom Hardy.
 ??  ?? Harry Styles, Aneurin Barnard, Elliott Tittensor.
Harry Styles, Aneurin Barnard, Elliott Tittensor.
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Des bateaux civils engagés dans l’évacuation.
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