Première

IRVINE WELSH & DANNY BOYLE

Les deux maîtres d’oeuvre de Trainspott­ing et T2, le romancier et le cinéaste, discutent nostalgie, crise de la quarantain­e, Écosse et humour noir.

- PAR FRÉDÉRC FOUBERT

« MÊME DANS LES MOMENTS LES PLUS SOMBRES DE TRAINSPOTT­ING, IL Y A DE L’ESPOIR. »

PREMIÈRE : Messieurs, y a-t-il un moment où vous vous êtes dit que c’était une très mauvaise idée de faire une suite à Trainspott­ing ? Trop risqué, trop dangereux ?

IRVINE WELSH : On s’est dit ça de nombreuses fois au fil des ans. Mis à part

Terminator 2, il n’y a quasiment aucune suite meilleure que l’originale. Mais on a passé une semaine tous ensemble à Édimbourg et tout à coup, on a vu un feu s’allumer en John (Hodge, le scénariste). Il a pris les meilleurs éléments du livre original, de

Porno et de Skagboys pour en tirer un matériau très émotionnel.

DANNY BOYLE : On avait déjà essayé de faire ce film il y a dix ans mais on n’était pas prêts. On avait dit que c’était à cause du script mais la vérité c’était que nous n’étions pas assez mûrs.

Comment expliquez-vous l’extraordin­aire impact culturel de Trainspott­ing ?

IW : Je crois que le livre réussissai­t à saisir un moment important : le passage d’un monde de plein emploi à un monde sans emploi. C’était une transition brutale. Le nouveau film parle encore de ça, en filigrane, de la fin du néo-libéralism­e. Mais toujours avec de l’optimisme. Même dans les moments les plus sombres de Trainspott­ing, il y a de l’espoir.

DB : Ce que j’observe, c’est que le public connaît les noms de ces personnage­s. Quand on y réfléchit, on se rend compte que ça n’arrive que très rarement au cinéma. J’ai fait plein de films, certains ont été des succès, d’autres non, mais tous finissent par disparaîtr­e. Pas Trainspott­ing. Irvine, si vous deviez définir ce qu’il y a de plus écossais dans Trainspott­ing, vous diriez quoi ? IW : L’humour noir. Nous, les Écossais, avons tendance à trouver drôle des choses que le reste de la planète considère comme totalement sinistres. Je l’ai bien compris en arrivant aux États-Unis. Parfois je sors une blague dans un dîner et tout le monde me regarde comme si j’étais un détraqué.

Ça vous va si on décrit Trainspott­ing comme un trésor national pour l’Écosse ? IW : C’est difficile pour moi de répondre. Disons juste que faire venir toute l’équipe du film des quatre coins du monde pour se réunir à Édimbourg à l’occasion de la première, c’était une immense fierté. Ce genre d’événements n’arrive pas tous les jours dans cette ville. Danny, l’un des sujets de T2, c’est la crise de la quarantain­e. Mais en fait, 40 ans, c’est l’âge que vous aviez quand vous avez fait le premier film !

DB : Hé, hé ! C’est vrai ! T2 est un film sur des types qui s’accrochent désespérém­ent à leur jeunesse. Les hommes ont beaucoup plus de mal que les femmes à accepter le passage du temps. Moi, à cet âge-là, j’étais en plein déni, je refusais de ne plus être jeune. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai fait

Trainspott­ing ! Bon, pour finir, un mot sur Trainspott­ing 3 ? IW : Ah, ah ! Du calme. Au rythme où on va, c’est pour dans vingt ans, donc on a le temps d’y réfléchir. DB : En tout cas, depuis qu’il a lu The Blade Artist (le spin- off consacré aux aventures californie­nnes de Begbie), je peux vous dire que Bobby Carlyle est super chaud ! u

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Danny Boyle.
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Irvine Welch.

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