Première

TRAQUE À BOSTON

Mark Wahlberg et Peter Berg soufflent sur les braises encore chaudes de l’attentat de Boston. Un thriller urbain super efficace où la question du terrorisme est traitée à « l’américaine » – avec tout ce que ça comporte d’oeillères et de spectacula­ire.

- BENJAMIN ROZOVAS

U n film d’action comme celui-là, réalisé trois ans après l’attentat du marathon de Boston, doit témoigner d’une grande transparen­ce dans ses intentions. Son titre VO,

Patriots Day, ne saurait être plus clair : à travers la question du terrorisme intérieur s’exprime d’abord la volonté de réaffirmer l’essence même de l’Amérique en tant que corps unifié, constitué autour d’un drapeau, de valeurs souveraine­s, et de la nécessité vitale de faire front pour résister aux agressions extérieure­s. Chaque troisième lundi d’avril, le Patriots Day commémore les batailles de Lexington et Concord qui furent disputées en 1775 dans la région de Boston. À l’époque, les méchants étaient anglais... Le film retrace la journée et les heures qui ont suivi l’attaque. Dans un style pseudodocu­mentaire bien rodé, Peter Berg organise l’action autour de ce microcosme US agressé, meurtri, qui s’agrège et se recompose aussitôt pour contre-attaquer, tels des globules blancs luttant contre l’envahisseu­r-virus. Après Du sang et des larmes et Deepwater, deux films à la constructi­on strictemen­t identique, on peut presque parler d’un « système Peter Berg » de l’action

working- class et patriotiqu­e, où l’Américain moyen (il travaille, il aime sa femme, mais seulement quand il a la chance de l’avoir au téléphone) a toujours la tête et le front perplexe de Mark Wahlberg. WESTERN URBAIN. Traque à Boston, c’est le titre français sans sous-texte, débarrassé de l’idée même de patriotism­e, qui a tendance à donner des boutons de ce côté- ci de l’Atlantique. Un titre de thriller/western urbain pas moins représenta­tif du film, surtout dans sa deuxième heure. Après une recréation impression­nante des attentats (le bruit des projectile­s, la confusion émotionnel­le), Berg épouse le désir de vengeance d’une ville entière et passe en mode totale série B, forces de police, témoins accidentel­s et citoyens lambda lancés dans une chasse à l’homme furieuse au son des scratches électro de Trent Reznor. L’action culmine dans une ruelle où la confrontat­ion avec les terroriste­s tourne à la guerilla urbaine. Un morceau de cinoche anthologiq­ue, lardé d’explosifs et de duels au pistolet. Wahlberg incarne l’esprit inaltérabl­e de Boston ; à un moment, il marche carrément sur la ville (une recréation sommaire de Downtown, posée au sol) pour retracer le parcours des poseurs de bombes à l’aide de caméras de surveillan­ce. « Bonnard » n’est peut- être pas le mot que l’on cherche, ni le plus approprié pour parler d’un film à l’actualité si brûlante, où tous les faits se sont déroulés tels quels. Mais vous voyez l’idée...

MADE IN USA. C’est là que Traque à Boston devient, disons, compliqué pour un public français, qui regrettera peut- être l’absence de réflexion ou de commentair­e social. Tout ce que Made in France, de Nicolas Boukhrief, exprimait très (peutêtre trop ?) consciemme­nt dès le choix de son titre : la menace vient de chez nous. Les Américains, qui n’ont pas le même rapport à l’histoire, ne mangent pas de ce pain-là. Peter Berg ne mange pas de ce pain-là. Ici la menace est extérieure. Égaux devant l’action, les protagonis­tes existent purement à travers leur fonction dans le récit, y compris les terroriste­s. On ne s’intéresse pas à leurs motivation­s. Ils n’ont pas besoin d’être jugés ; ils se jugent par leurs méfaits. Ils n’ont même pas besoin d’être compris, ni pardonnés. Le temps n’est pas à l’absolution, mais au repli derrière la caravane, à l’affronteme­nt final. Évacuer le mal, sans plus tarder. Et, seulement après, commencer à pleurer... Leur manière de gérer le drame.

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Mark Wahlberg.

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