Première

SCÈNE CULTE

PAR ANDRÉ BONZEL. Le réalisateu­r évoque la scène du « petit Grégory » dans C’est arrivé près de chez vous.

- PAR CHRISTOPHE NARBONNE ILLUSTRATI­ON GABRIEL DE LAUBIER

C’est arrivé près de chez vous, par André Bonzel

Vous avez dit Mizar ?

« Du côté de l’entrée, il y avait deux mandarines accrochées au plafond avec des volets coupe-flux qui crachaient des petits points lumineux en direction du bar. Au-dessus de ce dernier, dans le plafonnier, une lampe survoltée permettait de mieux éclairer les trois personnage­s – les guirlandes suspendues étaient là pour justifier la lumière. J’ai filmé ailleurs les plans de coupe sur les verres en utilisant un Mizar, un petit projecteur très focalisabl­e muni d’une lentille de Fresnel. »

Café frappé

« Nous avons essentiell­ement tourné les intérieurs chez des amis ou des relations. Le bar où se passe cette scène appartenai­t à la dénommée Malou que nous connaissio­ns à force d’aller boire des coups chez elle après être allés au cinéma. Ce café s’appelait le Cinépub et se trouvait à proximité du Styx, une salle de quartier qui projetait pas mal de films de genre américains en deuxième exclusivit­é. C’était un endroit bizarre, beaucoup plus “typé” que les autres. On a juste payé nos bières. »

Au four et au moulin

Vincent Tavier, notre coscénaris­te, joue dans cette scène un faux preneur de son. Son enregistre­ur Nagra est factice. Alain Oppezi, l’un des deux vrais opérateurs du film était à côté de moi, hors-champ. Nous avions si peu d’argent que nous tenions un maximum de rôles. Pour ma part, ça m’allait très bien d’être celui qu’on voit le moins !

L’homme à la caméra

« J’ai pratiqueme­nt tout tourné à l’épaule avec une Arriflex 16SR, munie d’un objectif 10 mm. Pour faire croire que nous étions dans un faux reportage, il fallait que je sois toujours un peu en retard par rapport à l’action. Quelques millisecon­des étaient suffisante­s. Très vite, en cours de tournage, on a abandonné les focales longues pour les courtes qui établissai­ent une proximité plus grande avec les personnage­s. La respiratio­n et les mouvements de la caméra se faisaient ainsi mieux sentir. »

Priez pour nous

« On avait montré au début du film qu’il arrivait à notre serial-killer d’emprunter les habits de ses victimes, comme ceux du facteur par exemple. Pour cette scène, on l’a donc affublé d’un col romain et d’une croix, ce qui laisse supposer qu’il a tué un prêtre. Cela permettait de créer une ellipse qu’on trouvait amusante, d’autant plus qu’après cette scène, il viole une femme dans cette tenue... On s’est rendu compte que cela ne marchait pas très bien : les gens ne remarquent pas forcément ce genre de détails. »

« Le petit Grégory »

« Au départ, l’idée du cocktail était extérieure au projet : on cherchait des concepts idiots pour égayer la fête de fin de tournage – qu’on n’a finalement jamais faite. On pensait à un flipper dédié au cinéma et à une boisson spécifique, qui auraient tous deux symbolisé le film. De fil en aiguille, on a trouvé cette recette du « petit Grégory », à base de sucre, d’olive, d’alcool et d’une ficelle. Comme c’est venu assez tôt dans le processus de fabricatio­n du film (étalé sur un an), on s’est dit que cela ferait une bonne scène. »

Avis aux amateurs

« Les séquences avec les nonprofess­ionnels étaient délicates car il fallait s’adapter à leur inexpérien­ce. S’agissant de Malou, la tenancière du bar, il n’y a eu aucun problème. Elle était dans son élément, derrière le comptoir. Elle a très vite oublié la caméra et a agi normalemen­t. Elle en imposait tellement que lorsqu’elle engueule Benoît (Poelvoorde) qui fait l’imbécile, elle est totalement crédible. Elle lui crie dessus comme elle le faisait avec tous les soûlards qui peuplaient l’endroit. »

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