Première

Qu’est-il arrivé à ... BabyJane ?

Petit bijou gothique ou pantalonna­de kitsch ?

- B.R.

Le conflit au centre de Feud fonctionne comme une allégorie du sexisme et de l’âgisme pratiqués à Hollywood, et de la manière dont ce système avale puis recrache les stars les plus iconiques pour en faire des créatures amères. Idem dans Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (1962), le film de Robert Aldrich dont la série décortique le tournage pièce par pièce, moins pour lui rendre hommage que pour vérifier les folles rumeurs qui entourent sa conception depuis maintenant cinquante ans (Bette a bien donné des vrais coups de pied à Joan dans la scène du téléphone). À l’époque, le film ne s’est pas privé d’exploiter la rivalité mythologiq­ue de ses deux vedettes pour nourrir les rapports de jalousie entre Baby Jane Hudson (Davis), enfant-star devenue monstre de cruauté, et Blanche Hudson (Crawford), exmonument du cinéma arraché trop tôt des écrans, paraplégiq­ue suite à un accident de voiture probableme­nt causé par sa soeur. Feud, qui dépeint Aldrich en babysitter débordé, semble considérer toute l’entreprise Baby Jane comme un sommet de kitsch. Mais Aldrich, artisan rebelle en quête d’un hit, savait très bien ce qu’il faisait en engageant deux anciennes gloires de l’âge d’or et en poussant le cynisme showbiz dans le rouge. Sorti cinq ans avant Bonnie and Clyde (et l’avènement du Nouvel Hollywood), Baby Jane, avatar dégénéré de Sunset Boulevard, enregistre en temps réel l’effondreme­nt du système des studios. Il est simultaném­ent le produit d’un vieux royaume démodé et son épitaphe.

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