PREMIÈRE CONFIDENTIEL
Au CinemaCon de Las Vegas, un mot était sur toutes les lèvres, Netflix, l’ennemi commun des studios et des patrons de salles.
CinemaCon vs Netflix
DEUX FILMS NETFLIX À CANNES
Le CinemaCon, c’est ce rassemblement monstre en plein coeur de la cité du vice et du toc, où pendant quatre jours marathon, les grands exploitants américains sont gavés par les studios de bandes-annonces ou d’extraits des plus gros films de l’année à venir. Durant cette édition 2017, qui s’est déroulée du 27 au 30 mars, ils ont pu voir (entre autres) des images inédites de
Blade Runner 2049, de Baywatch – Alerte à Malibu, du nouveau Jennifer Lawrence, Red Sparrow, et même l’intégralité de Pirates des Caraïbes – La Vengeance
de Salazar. Coincés dans la grande salle du Caesars Palace, qui accueille habituellement les concerts de Céline Dion ou d’Elton John, les spectateurs privilégiés assistent à des shows pyrotechniques usinés par les majors qui ont une heure trente pour séduire les patrons de salles. À l’arrivée, le son et lumière de la Fox boosté par Hugh Jackman a fait un carton, le PowerPoint Disney a laissé les gens sur leur faim et Dwayne Johnson a transformé la présentation Paramount en un spectacle digne d’un show de la WWE. Chaque année, cette grand-messe permet aux décideurs hollywoodiens et à leurs « talents » de démontrer que la salle de cinéma reste la valeur refuge du business. Le « temple » du 7e art et une « cathédrale » à préserver (selon Sue Kroll la patronne de la distribution Warner) avec des films toujours plus spectaculaires et des innovations technologiques renversantes (des écrans plus grands, la réalité virtuelle...). Pourtant, ce qui a vraiment fait trembler la salle du Caesars Palace lors de cette édition, ce n’est pas la 4D (même si on nous a beaucoup parlé des sièges spécialement designés pour les poursuites en voiture ou les voyages intergalactiques), mais Netflix. Reed Hastings, son directeur, quelques jours avant le lancement du CinemaCon s’était amusé à déterrer la hache de guerre : « Quelle est l’innovation majeure des exploitants de salles de ces trente dernières années ? avait-il lancé à la presse. OK, le pop-corn est meilleur. » Pendant quatre jours, le géant du streaming s’est fait allumer par les intervenants. Le patron de la Fox, Tom Rothman, à la fin de l’extrait spectaculaire de Blade
Runner 2049 a lancé un « Netflix, my ass » (Netflix, mon cul) applaudi par le public ; après le discours de Kroll sur la nécessité de prendre en compte le streaming, Christopher Nolan, venu présenter son spectaculaire Dunkerque, a répliqué d’un « la seule plateforme qui m’intéresse, c’est la salle de cinéma » et Sofia Coppola, quelques heures avant lui, expliquait que son film avait « été pensé pour être vu en salles ». Les patrons de salles ont applaudi, les studios renchéri, mais on avait parfois la sensation que Netflix était une victime sacrificielle bien commode, un ennemi commun qui permettait à tous de ne pas aborder les vraies questions (celles qui fâchent et qui divisent). « Longue vie à l’expérience salles », avait lancé Mitch Neuhauser (le patron des exploitants) pour conclure son discours de bienvenue. Une phrase qui sonnait autant comme un cri de ralliement que comme un appel désespéré. Quelques semaines plus tard, à l’issue de la conférence de presse de Thierry Frémaux annonçant la Sélection cannoise, un distributeur s’exclamait : « Deux films Netflix à Cannes ? Comment ose-t-il ? » Ce qui se passe à Vegas, ne restera pas bien longtemps à Vegas...