Première

RENCONTRE

Ex-moitié du duo comique Key & Peele, Jordan Peele s’improvise réalisateu­r de genre pour le hit surprise de l’année : Get Out, un brûlot sur l’Amérique raciste déguisé en thriller psychologi­que qui venge de cette fâcheuse manie qu’a Hollywood de flinguer

- PAR BENJAMIN ROZOVAS

Jordan Peele

Dans son légendaire stand-up Delirious, en 1983, Eddie Murphy verbalisai­t la question qu’on s’est tous posée : « Pourquoi rester dans la maison alors qu’on a toutes les preuves qu’elle est hantée ? » L’acteur vient de voir Poltergeis­t, de Tobe Hooper, et ne comprend pas pourquoi, lorsque la petite Carol Anne se fait avaler par la télé, ses parents blancs ne s’échappent pas de la baraque en courant mais invitent, au contraire, d’autres Blancs à tenir une veillée dans le salon. C’est très simple, résume Eddie Murphy : « S’il y a un fantôme dans la maison, cassez-vous ! » Le bon sens en action. « Richard Pryor faisait la même chose avec L’Exorciste, nous renseigne Jordan Peele au téléphone. D’après lui, avec un casting 100 % noir, L’Exorciste n’aurait duré que sept minutes. Le prêtre afro serait rentré dans la maison, il aurait gueulé contre l’odeur pestilenti­elle et aurait ordonné à la petite possédée de se laver les cheveux et d’aider sa mère en cuisine... En gros, l’idée est que dans les films d’horreur, les Noirs ne feraient pas les mêmes erreurs que les Blancs. Une blague hilarante, certes, mais qui contient une part de vérité. Si les Afro-Américains ont toujours constitué un public de films d’horreur loyal et enthousias­te, c’est parce qu’ils sont coutumiers d’une certaine forme d’horreur au quotidien. En Amérique, il y a des choses – comme le racisme – auxquelles seules les minorités sont confrontée­s... Je voulais avec

Get Out que le personnage principal utilise sa connaissan­ce de la condition noire dans ce pays, son instinct de préservati­on, son “spider-sense” si vous préférez, pour gérer la situation cauchemard­esque dans laquelle il se trouve. » Get Out suit le calvaire de Chris (Daniel Kaluuya), un jeune photograph­e invité pour le weekend chez ses beaux-parents blancs, des démocrates bon teint (Catherine Keener et Bradley Whitford) fans de Barack Obama. A priori, rien d’inquiétant. Mais Chris s’est toujours méfié des beaux parleurs qui lui rebattent les oreilles avec la magnificen­ce de l’homme noir... C’est la première réalisatio­n de Jordan Peele, 37 ans, mieux connu aux États-Unis en tant que coanimateu­r du show Key & Peele, qui cartonna sur Comedy Central, de 2012 à 2015. Apparemmen­t, Jordan Peele est aussi une encyclopéd­ie du film d’horreur. Il a tout vu,

Newspapers in French

Newspapers from France