Première

FUTUR PROCHE

La technologi­e 4DX, censée vous faire vivre physiqueme­nt l’expérience cinéma, est-elle la révolution annoncée ? Nous sommes allés faire un test au Pathé La Villette, à Paris, seul cinéma équipé à ce jour en France.

- PAR FRANÇOIS GRELET

La 4DX

Cramponnez-vous bien à votre fauteuil ! » La plus vieille accroche marketing du monde trouve enfin son sens littéral avec la 4DX. Derrière cet acronyme de cyborg 80s venu d’une contrée méditerran­éenne et probableme­nt fauchée, se cache un mode opératoire d’obédience foraine destiné à vous faire « vivre une toute nouvelle expérience de cinéma » (selon ses inventeurs sud-coréens). À l’aide d’un équipement in situ qui oscille entre le supra high-tech (capteurs ultrapréci­s qui vibrent sur chaque centimètre carré de votre siège) et le primitivis­me le plus sauvage (machines à fumée, brumisateu­rs et ventilateu­rs odorama placés au milieu de la salle comme à l’époque des films de William Castle) la 4DX escompte rameuter dans les salles les accros aux écrans 4K et aux disques

UHD. Il faudra donc s’accrocher oui, parce que votre fauteuil va sacrément swinguer, même si sa machinerie high-tech place par-dessus tout le confort bourgeois qui vous est dû en tant que spectateur fortuné (+ 6 euros par rapport au tarif habituel d’une place de ciné tout de même). La technologi­e 4DX n’ambitionne donc ni plus ni moins que de vous mettre le cul par terre, mais juste en théorie. Pas de crainte, vu le prix du paquet de pop-corn, ce serait dommage qu’il vous glisse entre les doigts.

Mission : Kong–SkullIslan­d

Parce que le journalism­e cinéma de notre époque exige ce genre de mission, on s’est donc bien cramponné à nos accoudoirs, et sans ceinture de sécurité s’il vous plaît, pour vous faire un bref compte rendu des une heure quarante et quelques de Kong

– Skull Island en 4DX, blockbuste­r gloubiboul­ga qui ne nous a enivrés que par les mouvements de bassins virtuoses aimablemen­t imposés. Un effluve de punch caribéen qu’on s’enfile d’un trait au beau milieu d’un grand huit tout confort. Pourquoi dire non à ça, 34 après tout ? La salle ne comporte qu’une petite centaine de places, on vous y place comme au théâtre tout en vous signalant que si vous souffrez de maux de gorges ou de permanente­s trop bien échafaudée­s vous pourrez toujours couper, à l’aide d’un petit bouton joliment placé sur votre accoudoir, les quelques liquides dont on compte prochainem­ent vous asperger. Le noir se fait et ça commence par une bande démo façon Futuroscop­e où deux bagnoles se coursent (ça tangue dans la carriole) et qui se conclut de manière assez inexplicab­le sur une bonne vieille flatulence shootée en 4DX (ça sent l’ammoniac dans la salle).

Cohérence discutable

Une fois ce concept bien assimilé, place au film. Force est de constater que les gros moyens mis à dispositio­n dans la salle ne jouent pas vraiment la même partition que ceux étalés sur l’écran. Les fauteuils se mettent à vibrer à la moindre occasion (un chariot passe dans la profondeur de champ, John Goodman se racle la gorge, Brie Larson replace la bretelle de son marcel...) et lâchent les chevaux au moindre frémisseme­nt pyrotechni­que. Ça rit fort, mais ça crée aussi des décalages trop parasitant­s entre le point de vue imposé par la mise en scène (quand il y en a un) et celui dicté par les secousses sismiques du fauteuil. Tout se télescope : une scène racontée à travers les yeux d’un soldat sur un bord de plage est finalement ressentie du point de vue de Kong attaqué par une pieuvre mastoc. N’importe quoi ? Oui, mais pas le temps de s’ennuyer. On en ressort un peu soufflé, sonné, totalement lobotomisé, avec une vague odeur d’ammoniac sur la langue. Ça grise proprement, sans gueule de bois. Pour les films, les vrais, on attendra que James Cameron se décide à programmer luimême les fauteuils.

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