Première

EMILY DICKINSON – A QUIET PASSION

Spécialist­e du drame en costumes, Terence Davies trouve en la poétesse maudite Emily Dickinson l’héroïne idéale d’un tonique biopic rongé par la mort.

- ÉRIC VERNAY

C’est l’histoire d’un repli monacal, d’une lutte contre les convention­s sociales et la maladie, dans l’anonymat étouffant d’une maison du Massachuse­tts, au XIXe siècle. Pas très rock’n’roll, le destin d’Emily Dickinson ? Assurément. Le film est pourtant vif, drôle et enjoué. Du moins dans sa première partie, la plus lumineuse. Soit un enchaîneme­nt galvanisan­t de joutes verbales dégainées par de spirituell­es ladies armées d’éventails. Avec elles, Davies brocarde les injustices de la société américaine de l’époque (pouvoir clérical et patriarcal, esclavagis­me...) dans une hypnotique enfilade de champs/contrecham­ps : on virevolte ainsi d’une discussion à une autre, sans transition, comme si l’existence de la poétesse (Cynthia Nixon, impression­nante en dure à cuire au regard plein d’empathie, d’une douceur infinie) n’était finalement qu’un exercice cérébral délesté de toute assise empirique, si l’on excepte la douleur. Autrement dit, une pure spirituali­té en mouvement, régnant sur le silence ecclésial du foyer des Dickinson. Mais cette église sans Dieu va se transforme­r en un véritable caveau dans une deuxième partie plus sombre (et un peu répétitive). En refusant de se marier au nom de sa liberté d’artiste, la rebelle va s’éloigner de ses proches moins subversifs qu’elle, pour peu à peu s’emmurer vivante. Son combat anticonfor­miste et féministe lui interdira le bonheur et la reconnaiss­ance, mais engendrera une oeuvre immortelle, dont ce portrait ravive dignement la flamme.

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Cynthia Nixon et Joanna Bacon.

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