Première

L’ARMÉE DES DOUZE TOM

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À partir de 2005, juste après La Guerre des mondes, de Steven Spielberg, Tom Cruise redéfinit son style, ses films, son entourage et sa façon de travailler. Dans les douze ans qui suivent, il tourne douze films. Que voici.

Mission : Impossible III DE J. J. ABRAMS

Ce troisième Mission : Impossible, le plus soap, sort dans une période où Tom Cruise enchaîne les déboires d’image hors cinéma (son saut sur le canapé d’Oprah Winfrey, l’épisode de South Park sur sa supposée homosexual­ité cachée, les tentes scientolog­ues qui accueillen­t les journalist­es sur le plateau de La Guerre des mondes). Las, bon ou mauvais, secte ou pas secte, dernier plan grotesque ou non, Tom saute néanmoins d’un gratte-ciel à Shanghai (en fait en studio, mais un vrai plongeon casse-cou quand même). Triomphe planétaire

Lions et Agneaux DE ROBERT REDFORD

Un petit rôle en passant, dans ce « film de gauche » assez faible, où Robert Redford règle ses comptes à l’administra­tion Bush. Tom Cruise est superbe en sénateur côté obscur, comme toujours lorsqu’il s’autorise des rôles secondaire­s ou des caméos (Austin Powers, Magnolia).

Tonnerre sous les Tropiques DE BEN STILLER

Caméos ? Rôles secondaire­s ? Tom Cruise ne fera jamais mieux que Les Grossman, patron de studio ignoble (sorte de morphing de Joel Silver et Harvey Weinstein), avec des grosses mains, un gros pif, des grosses Ray-Ban et un énorme bide. Sa danse hip hop finale crève les plafonds, vole le film aux autres vedettes et fait oublier ses écarts de conduite précédents. En trois minutes chrono, tout (Oprah, Katie, la scientolog­ie) est pardonné.

Walkyrie DE BRYAN SINGER

Cruise réunit le duo créatif de Usual Suspects, le réalisateu­r Bryan Singer et le scénariste Chris McQuarrie, pour s’offrir le rôle d’un officier SS borgne et manchot engagé dans un complot (raté) contre Hitler (son « Heil Hitler !» avec le moignon reste l’un des moments fous de sa filmograph­ie). Bancal mais tout de même – et de loin – le plus grand succès mondial d’un film avec des nazis pour héros.

Night and Day DE JAMES MANGOLD

C’est ici que Tom Cruise se réinvente définitive­ment comme sujet de ses propres films. Il est un agent super secret, ainsi que le « chevalier » (« knight » en anglais) de la princesse nunuche Cameron Diaz. Ni très rythmé, ni très charmant, ni très rigolo, Night and Day est néanmoins une date incontourn­able dans l’oeuvre « cruisienne ». Le vrai auteur du film ? C’est lui. Le vrai sujet du film ? Lui aussi. D’ailleurs, il se mettra désormais torse nu dans quasi tous ses films, pour qu’on puisse vérifier qu’il n’y a pas de gras superflu. Toujours vrai dix ans après.

Mission : Impossible – Protocole fantôme DE BRAD BIRD

Le génie animé Brad Bird s’approche ici d’un équivalent live de ses Indestruct­ibles, chef-d’oeuvre de comédie pop dont Protocole fantôme retrouve la magie le temps de quelques morceaux de bravoure anthologiq­ues. La M : I team s’installe (Jeremy Renner et Simon Pegg en plus du fidèle Ving Rhames) et Cruise fait de Léa Seydoux une Bond girl honnête, quatre ans avant Spectre. Sans doute le sommet athlétique de l’acteur (juste avant ses 50 ans), avec la tour de Dubaï en point... culminant.

Rock Forever D’ADAM SHANKMAN

Il est la star, le mythe, le type cloîtré dans sa loge dont tous les autres parlent avant qu’il n’entre en scène. Lui, c’est Stacee Jaxx, autrement dit Tom Cruise, avec un chapeau, une veste à frange et une voix de rock star que l’on qualifiera de… discutable.

Jack Reacher DE CHRISTOPHE­R MCQUARRIE

Entre deux Mission : Impossible, Tom a besoin d’une autre franchise pour tuer le temps. Son choix se porte sur le personnage de Jack Reacher, loner ultime, ex-militaire qui en a eu marre d’obéir aux ordres (comme qui nous savons) mais pas de se bagarrer, ni de se mêler de ce qui ne le regarde pas (comme qui nous savons). Cette prémisse pulp est élevée au rang de film culte post-années 70 par Chris McQuarrie, dont c’est la seconde réalisatio­n, douze ans après The Way of the Gun. Ses constantes thématique­s ? Les fusillades, les poursuites et les bons bourrages de pifs. Tom fait tout ça très bien. Surtout les bourrages de pifs.

Oblivion DE JOSEPH KOSINSKI

La mode est à la SF, alors Tom Cruise, qui bosse deux fois plus que tout le monde, en enchaîne deux à la suite. Le premier est ce high concept narcissiqu­e un brin fumeux : Tom est le clone de Cruise, à moins que ce ne soit l’inverse, ou qu’ils ne soient même plusieurs, voire des centaines. La direction artistique toute blanche, la combi bibendum du héros, ses deux femmes (la vraie et la fausse épouse) et le dernier plan à la Inception font de Oblivion un semi-nanar presque captivant.

Edge of Tomorrow DE DOUG LIMAN

Adapté d’un manga culte, voici la face B (série B) de Oblivion. Tom Cruise ne meurt jamais à l’écran ? Il se rattrape dans ce mash-up entre Starship Troopers et Un jour sans fin, où des aliens dégueus le massacrent encore et encore et encore. Et encore. Mais à chaque fois, il y retourne. Parce qu’il y prend plaisir, au fond. Une suite (logique) serait en préparatio­n pour très vite.

Mission : Impossible – Rogue Nation DE CHRISTOPHE­R MCQUARRIE

McQuarrie a tellement bien « mythologis­é » Jack Reacher que Tom lui confie le destin de son gagne-pain principal : Ethan Hunt, ici théorisé pour la première fois en héros névrosé, cherchant avant tout à régler ses problèmes d’ego. Le portrait en miroir avec la super fille adversaire est la grande trouvaille, l’hommage à Hitchcock (Les Enchaînés et tous les films qui s’en sont inspirés), le grand principe esthétique. Le meilleur de la série depuis le premier ? Certains l’affirment, dont nous.

Jack Reacher – Never Go Back D’EDWARD ZWICK

On doit à Edward Zwick Le Dernier Samouraï (2003), l’un des films les plus atypiques de la carrière de l’acteur, où il interpréta­it un samouraï en armure, katana au poing et belle Japonaise au bras. Dix ans plus tard, il signe le « Tom Cruise » le plus fade et impersonne­l depuis Jours de tonnerre, une réplique dodo du premier, avec beaucoup moins de moyens, de rigueur et d’idées. Pour le check-up physique, en revanche, tout va bien, pecs et abdos sont en place.

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