Blade Runner Legacy
Depuis 1982, Blade Runner a façonné la pop culture via des générations entières traumatisées par son esthétique futuriste et sa narration filandreuse. L’un des clichés les plus tenaces de la SF ? Plus que ça. Mais qui a le plus copié ce chef-d’oeuvre sémi
BLADEROLLER. Une bande en rollers fonce à travers une mégalopole ; un gamin enfermé dans le Bradbury building regarde l’équipée sauvage tracer et récupère au passage une bouteille de Coca-Cola que lui lance l’un des patineurs… Une bonne partie des pubards 90s et des réalisateurs MTV ont tout piqué à Blade Runner. Mais David Fincher, lui, ne s’en est jamais remis. Pour ce spot (Bladeroller) réalisé en 1993, il récupérera même tous les collaborateurs de Ridley Scott. Et le film irriguera toute sa filmo à venir, depuis la pluie diluvienne de Se7en au design d’Alien3 (filmé par Jordan Cronenweth, chef-op de Ridley Scott) jusqu’aux éclairages de Fight Club et Zodiac.
NEUROMANCIEN. « Le ciel au-dessus du port était couleur télé calée sur un émetteur hors service. » Avec la première phrase de Neuromancien, qu’on jurerait tirée du script de Blade Runner, l’écrivain William Gibson lance officiellement le cyberpunk. Inspiré très clairement par le film de Scott, ce genre mêlant polar et SF dans un futur proche avait ses précurseurs (John Brunner et Philip K. Dick) mais c’est Blade Runner qui codifie tout, irriguant aussi bien le cinéma (du néo-Noir 90s à la hard SF de Matrix) que la japanime (Ghost in the Shell), la BD (Enki Bilal, Sin City), les séries (Westworld) et même les auteurs français (Dantec).
SYNDICATE. La sortie du film est contemporaine des premiers jeux et le médium grandissant va se nourrir des visions de Scott. La ligne d’influence court de Syndicate aux premiers hits de Hideo Kojima (Snatcher, Policenauts) jusqu’à la série des Deus Ex... Une épidémie de Réplicants qui utilisent autant les volutes narratives que l’esthétique décrépite, pleine de bruit et de fureur. Et le jeu Blade Runner, le vrai ? Il y en a eu deux, mais le classique reste le point & click de 1997 avec treize fins alternatives et la création d’un deuxième flic du futur, Ray McCoy, qui revisite avec une fidélité bluffante la storyline et les décors du film.
ELEMENT OF CRIME. Le néo-Noir métaphysique, la place de l’homme parmi les machines (David Cronenberg), le posthumanisme (les Wachowski), les longues stases contemplatives hors récit (Mamoru Oshii)… Il y a toujours quelque chose à prendre (à voler dirait Scott) dans Blade Runner. Et les cinéastes les plus « auteurs » ne s’en privent pas. À part ceux déjà cités, on rajoutera Lars von Trier (et son Element of Crime, traité postmoderne qui mêlait Tarkovski et Blade Runner) le Batman de Chris Nolan, Guillermo del Toro qui adore son côté « impur » et lui rendra hommage dans Pacific Rim, et même le Demonlover d’Olivier Assayas.
BABYLONE A.D. Tout était là, prêt à l’emploi. Les buildings noirs qui se dressent dans le smog, les écrans géants, le privé du futur qui se balade en trench sous une éternelle pluie acide, la traque de cyborgs, les fringues sorties d’un showroom Alexander McQueen... Le kit « Blade Runner » a donc été pompé sans scrupule pour des sous-produits SF. De Johnny Mnemonic à Babylon A.D. en passant par le Soldier de Paul W.S. Anderson ou le Nirvana de Gabriele Salvatores : la série Z de SF est (aussi) née en 1982, à coups de néons et de synthés dans la nuit.
TANGERINE DREAM. Impossible de penser les années 80 sans la tapisserie sonore de Vangelis qui mélangeait l’ambient façon Brian Eno aux accords fous de Siouxsie and the Banshees. Le son ouateux du saxo sur la plainte du synthé mélancolique, l’orchestration minimaliste, l’expérience tripale… La musique de Blade Runner faisait vibrer des pulsions sentimentales derrière les stries synthétiques des Roland VP- 330. Et de Jóhann Jóhannsson à Trent Reznor en passant par Tangerine Dream, de nombreux compositeurs ont infusé ces sonorités minimalistes dans leurs partitions et puisé dans le score vertigineux de ce film hypnotique.