Première

À QUOI RECONNAÎT-ON une « Palme du coeur » ?

- PAR FRÉDÉRIC FOUBERT

C’est écrit sur l’affiche

Inventée par des journalist­es aux yeux rougis par l’émotion pour parler de ces films qui font vibrer la Croisette plus fort que la Palme d’or, la « Palme du coeur » désigne un film rassembleu­r, lyrique, mélo, tout simplement beau. Le dernier en date, avant 120 Battements par minute, était le Mommy de Xavier Dolan, ce qui fut certifié sur l’affiche par votre magazine préféré (« Notre Palme du coeur », on a fait simple) et Les Inrocks (« Un véritable cyclone émotionnel », soit la définition parfaite du concept de « Palme du coeur »).

C’est un hold-up médiatique

La « Palme du coeur » fait invariable­ment de l’ombre à la Palme d’or. Cette année, 120 BPM a ainsi battu The Square par K.-O. Mais parfois, ce sont les cinéastes eux-mêmes qui organisent le hold-up, comme quand Roberto Benigni, Grand Prix pour La Vie est belle, en a fait des tonnes le soir de la remise des prix 1998 (« Qu’est-ce que c’est ? La Palme d’or ? »). Au moment où Theo Angelopoul­os est venu chercher la récompense suprême, le clown italien avait déjà gagné la partie.

C’est un bon client pour les Oscars

La réussite d’une sélection cannoise ne se juge pas que le soir de la remise des prix, mais tout au long de l’année, au fur et à mesure que les films choisis par Thierry Frémaux occupent la discussion cinéphile et enflamment les foules du monde entier. Et sur ce terrain, personne n’a fait mieux que

The Artist. A-t-on vraiment besoin d’une Palme quand on a cinq Oscars à contempler sur sa cheminée ?

C’est un rendez-vous manqué

Robin Campillo le dit lui-même : « C’est compliqué un jury. Ce sont des gens qui discutent, avec leurs egos, leurs obsessions. Je n’en veux pas du tout à Pedro Almodóvar ! » D’ailleurs, s’il y en a un qui est bien placé pour savoir que les jurys sont « compliqués », c’est Almodóvar lui-même, éternel perdant cannois. Il peut se consoler en se disant que presque tous ses films, de Tout sur ma mère à Volver, sont des « Palmes du coeur ».

C’est le film chouchou du président du Jury

Pedro Almodóvar n’a pas caché que son film préféré à Cannes cette année était 120 Battements par minute. Mais être président du jury ne donne pas les pleins pouvoirs… L’exemple le plus fameux de favori qui finit sur la deuxième marche du podium, c’est

Old Boy, en 2004, officielle­ment adoré par Tarantino mais s’inclinant finalement face à Fahrenheit 9/11. Ceci dit, un film avec un poulpe avalé tout cru et des crânes défoncés à coups de marteau peut-il être réellement qualifié de « Palme du coeur » ?

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