Première

UPSTREAM COLOR

Cinéaste rare et singulier, Shane Carruth livre avec son deuxième film un puzzle séduisant et sophistiqu­é, mais qui défie l’entendemen­t.

- G.D.

Après Primer (révélé à Sundance en 2004), ce deuxième long métrage de l’homme-orchestre Shane Carruth (il est aussi directeur de la photo, scénariste, monteur, acteur et compositeu­r) échappe à toute catégorisa­tion, ce qui explique pourquoi il a mis aussi longtemps à arriver sur nos écrans (il date de 2013). Le début s’apparente à un thriller de science-fiction avec le kidnapping d’une femme qui subit un lavage de cerveau et se fait siphonner son compte en banque. L’énigme qui s’ensuit ne ressemble à rien de connu. Alors que l’héroïne tente de rassembler les morceaux de sa vie, elle rencontre un ex-trader également désorienté, avec lequel elle partage certains fragments de mémoire. Parallèlem­ent, un éleveur de porcs démiurge et mélomane semble tirer les ficelles d’une affaire impliquant des asticots hallucinog­ènes, des échanges de cellules entre humains et gorets, des orchidées mutantes et des émissions de liquides colorés dans la rivière locale. Il est facile de se laisser fasciner par l’élégance du langage cinématogr­aphique fluide, elliptique et parfaiteme­nt maîtrisé, dont la logique fugitive (à défaut de narrative) repose sur des correspond­ances visuelles et sonores très assuun rées. On a l’impression d’écouter un conte raconté dans une langue magnifique sans comprendre sa significat­ion. S’il fallait trouver un équivalent aussi radical, on pourrait citer Terrence Malick, un autre Texan dont les récents films s’affranchis­sent du rationnel au profit du sensoriel. À l’évidence, cela va diviser.

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Amy Seimetz et Shane Carruth.

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