Première

HÉRÉDITÉ

Magistral premier long métrage d’Ari Aster, Hérédité est un récit d’horreur familiale qui mérite tous les superlatif­s, et dans lequel Toni Collette livre sa meilleure performanc­e.

- GÉRARD DELORME

Derrière la virtuosité exaltante du plan-séquence qui ouvre Hérédité se dessinent les contours du personnage central joué par Toni Collette. Alors qu’elle vient de perdre sa mère, Annie Graham construit pour une galerie d’art des modèles réduits inspirés de sa maison, recréant des scènes de sa vie familiale. La séquence incite à se demander ce qui peut pousser cette mère de famille à ce genre d’activité maniaque, sinon le besoin de se persuader qu’elle contrôle sa vie. Comme si elle avait l’intuition du contraire, que son destin lui échappait au profit de forces qui la dépassent. La suite confirmera cette dernière hypothèse avec une rigueur implacable... Mais il serait dommage d’en dévoiler plus, parce que l’intérêt du film réside précisémen­t dans sa façon imprévisib­le et inédite de renouveler un territoire familier. Tout ce qu’on peut révéler, c’est que la famille Graham est en équilibre instable. La cadette de 13 ans présente des signes de troubles mentaux. Son frère aîné se réfugie dans la consommati­on compulsive de cannabis. Le père cherche à maintenir une apparente stabilité avec une assurance lugubre.

PRÉCISION DIABOLIQUE. Le titre du film suggère la transmissi­on, mais il aurait pu tout aussi bien s’appeler Fatalité. Parce qu’il s’agit bien d’une tragédie classique, dont les protagonis­tes sont prisonnier­s de leur sort. Celui-ci est particuliè­rement funeste, et le réalisateu­r Ari Aster, dont c’est le premier film, le met en scène avec une précision diabolique, réaffirman­t que les jeux sont faits depuis cette fameuse première séquence programmat­ique jusqu’aux nombreux signes précurseur­s qu’il n’arrête pas de disposer au long du film (comme la gamine qui coupe la tête des oiseaux à coups de ciseaux). Révélé au festival Sundance, Hérédité arrive précédé d’une réputation qui n’a rien d’exagéré. L’écriture des personnage­s, le rythme délibéré, le timing parfait, la puissance graphique des moments forts, la direction d’acteurs (excellents, à commencer par Toni Collette), tout est pensé et exécuté avec une efficacité exceptionn­elle. À tel point qu’on a envie d’y retourner illico. C’est aussi ce genre de film, plus si fréquent, qui gagne à être revu.

ALLEZ-Y SI VOUS AVEZ AIMÉ LesInnocen­ts (1962), Rosemary’sBaby (1968), Shining (1980)

Hereditary • Pays USA • De Ari Aster • Avec Toni Collette, Gabriel Byrne, Alex Wolff... • Durée 2 h 06 • Sortie 13 juin

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Milly Shapiro, Toni Collette, Gabriel Byrne et Alex Wolff

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