Première

HAVE A NICE DAY

Argent volé, mafieux bavards, tueur taiseux et crétins divers : la Chine postcommun­iste en prend pour son grade dans ce film d’animation léché et grinçant.

- MICHAËL PATIN

Le Pulp Fiction de l’animation chinoise », annonçait la phrase d’accroche dans le dossier de presse de Have A Nice Day. Une promesse assez tordue pour donner envie de se ruer en salle... Ce second long métrage de Liu Jian (après Piercing I en 2010), qui bénéficie d’une distributi­on française suite à un parcours sinueux en festivals, emprunte en effet plus d’un trait à l’univers de Tarantino. D’abord, le MacGuffin, ici un sac de cash volé par un héros minable (Xiao Zhang, chauffeur d’un mafieux local), qui passe de main en main en semant le chaos. Ensuite, la galerie de truands aux vices et ambitions divers, pérorant mollement sur la (pop) culture entre deux méfaits. Enfin, une façon postmodern­e de préférer l’attente à l’action, le détail pince-sans-rire au lyrisme de la violence, qui baigne ces chromos dans un climat d’apathie réjouissan­t. Mais Liu Jian ne tombe jamais en pâmoison devant ses personnage­s et ses dialogues. Le véritable intérêt du film est ailleurs, dans ses spécificit­és d’objet dessiné, adulte et moderne, échappé de l’empire du Milieu. Impossible de l’ancrer dans la tradition du genre : on est aussi loin des techniques de lavis déchiré ou d’encrage prisées autrefois par les studios chinois que de l’influence manga plus récente d’un Big Fish & Begonia.

LIGNE CLAIRE. Seul contre tous, Liu Jian imagine une élégante ligne claire, à la fois schématiqu­e (les visages) et ultra détaillée (les décors), qui offre une vision réaliste de la banlieue du sud de la Chine où se déroulent les événements. En contrepoin­t, l’animation minimalist­e signe son refus de laisser le vertige graphique l’emporter sur la fluidité narrative. Chaque plan, même anodin, est un indice dans ce chassé-croisé dont on connaît par coeur les rouages, mais pas la finalité. On la découvre au fil des fulgurance­s, d’une discussion entre beaufs obsédés par Steve Jobs à une scène de rêverie propagandi­ste chantée dans un ascenseur : c’est le portrait d’une société déréglée, ouvertemen­t futile et cupide, assise sans joie sur ses vieilles solidarité­s. Il fallait sans doute revêtir l’apparence inoffensiv­e du dessin animé pour faire passer un message aussi discordant à travers les verrous officiels. ALLEZ-Y SI VOUS AVEZ AIMÉ ATouchofSi­n (2013), PulpFictio­n (1994), Amerbéton (2007) Hao ji le • Pays Chine • De Liu Jian

• Avec les voix en VO de Zhu Changlong, Cao Kai, Liu Jian... • Durée 1 h 17 • Sortie 20 juin

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France