PREMIÈRE CONFIDENTIEL
Cartoon Movie
Vingt ans. C’est à peu près l’âge de l’animation européenne, qui a prospéré sur le succès de Kirikou de Michel Ocelot en 1998. Depuis, les progrès ont été assez extraordinaires : les techniques se sont améliorées, les écoles se sont développées, les financements se sont organisés, et le secteur est l’un des plus florissants en termes d’emploi, notamment en France. Reste, pour cette animation européenne – encore sous influences américaine et japonaise –, à attirer les publics. C’est la question centrale qui taraudait les 900 professionnels présents lors de la 20e édition du Cartoon Movie. Créé en 1999, cet événement, qui se déroule chaque année au mois de mars à Bordeaux, a pour objectif de favoriser le développement des coproductions transfrontalières, d’accélérer le montage financier des films d’animation et de faciliter leur distribution à l’échelle internationale. Car un film d’animation coûte cher (en moyenne entre 4 et 10 millions d’euros), et nécessite surtout d’avoir les reins solides, le retour sur investissement prenant en moyenne cinq ans – temps médian séparant l’écriture de la sortie en salles. Soixante projets, à différents stades de développement, ont ainsi été présentés cette année, mais tous ne verront pas le jour. Depuis sa création, le Cartoon Movie a tout de même permis le financement de 302 films pour un montant total de 2 milliards d’euros.
Une vitrine audacieuse
De plus en plus courue par les professionnels (producteurs, investisseurs, distributeurs et vendeurs internationaux), la manifestation est l’occasion de se faire une idée de la bonne santé de l’animation européenne et d’observer ses tendances. Cette année, la diversité était au rendez-vous, autant du point de vue des techniques – même si la 3D reste dominante pour des raisons de coût et de souplesse – que des thématiques. Les projets ayant pour thème l’Afrique étaient particulièrement nombreux, avec notamment l’adaptation du roman Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma par Zaven Najjar [photo], sur les enfants-soldats, Another Day in Life de Raul de la Fuente et Damian Nenow [photo], sur la guerre civile angolaise, ou encore Human Nature de Sébastien Dupouey, sur un jeune chasseur pygmée congolais. Cependant, et contrairement à l’an passé, les projets de films d’animation pour adultes ou jeunes adultes, plus difficiles à financer et moins populaires sont en baisse. Rares sont les succès tels que Persepolis ou Valse avec Bachir, immuablement cités en référence. En définitive, Cartoon Movie offre une vitrine audacieuse et dynamique à l’animation européenne, d’où émerge une nouvelle génération prometteuse – cette année, le plus jeune réalisateur en lice était âgé de 25 ans. Le combat de cette manifestation : normaliser ces films auprès du grand public, peu habitué à des styles et des histoires différentes. Et pour cela, il compte évidemment sur les distributeurs et les exploitants, mais aussi sur les grands festivals, en les encourageant à accueillir de plus en plus ce type de films dans leurs sélections. Cannes, Venise, Berlin : le message est passé.