ETHAN était déjà mythique »
Christopher McQuarrie revient sur la place d’Ethan Hunt au sein de Mission : Impossible et relativise l’impact de son propre travail sur le personnage.
« IL N’Y A QU’UN SEUL TOM ET IL N’Y A QU’UN SEUL ETHAN. » CHRISTOPHER McQUARRIE
PREMIÈRE : Depuis 1996, une règle tacite des Mission : Impossible veut que chaque volet soit réalisé par un cinéaste différent. En enchaînant Rogue Nation et Fallout, vous rompez avec cette tradition… CHRISTOPHER MCQUARRIE :
Je l’ai vu comme un challenge – et j’aime ça. C’était même une de mes conditions pour accepter de revenir à la franchise : pouvoir maintenir la tradition selon laquelle chaque film doit avoir sa singularité esthétique. Fallout devait donner l’impression qu’un nouveau réalisateur était à la barre. J’ai donc embauché une équipe totalement différente de celle du précédent film, et je les ai poussés dans leurs retranchements. Vous me direz si j’ai réussi mon coup !
Dans Rogue Nation, Ethan Hunt était pour la première fois traité comme un personnage « mythologique », à l’instar de James Bond ou de Sherlock Holmes. On avait également accès à sa part d’humanité. Lui donner de l’épaisseur, c’était votre intention ?
C’était moins intentionnel qu’inévitable, en réalité. Les personnages sont l’alpha et l’oméga du cinéma. La difficulté est de trouver le bon équilibre, l’équation qu’acceptera le public qui vient juste voir un film d’action. Durant les projections-tests, on constate qu’une partie des spectateurs attend simplement la prochaine cascade ou la prochaine course-poursuite. Ces gens ne comprennent pas que sans les passages où l’on construit les personnages, l’action ne fonctionnerait pas.
En arrivant sur Rogue Nation, vous avez dû construire la mythologie du personnage rétrospectivement, en faisant l’inventaire de ce qui marchait ou ne marchait pas…
Non, non, Ethan était déjà mythique. Il était déjà un personnage à part entière. C’est juste qu’à chaque nouvel épisode, on le connaît un peu plus. Fallout poursuit dans ce sens. Mais pas trop non plus, car notre travail consiste aussi à laisser un peu de mystère pour la fois d’après.
Humaniser et « mythologiser », ce sont deux choses contradictoires ou complémentaires ?
Complémentaires, sans le moindre doute. Depuis mes débuts, je suis attiré par les personnages mythologiques. Mais tous ont commencé comme simples mortels. Explorer l’espace entre les deux, c’est ce que je fais de mieux.
Quelles sont les caractéristiques d’Ethan Hunt ?
Il est loyal, très investi dans son job, c’est un homme d’honneur. Mais il ressent la peur, ce n’est pas un casse-cou. S’il avait le choix, il ne ferait pas les choses timbrées qu’il est contraint d’exécuter. Notre job dans les Mission est d’inventer des scénarios face auxquels Ethan n’a d’autre alternative que de jouer sa vie.
Une question qui obsède : à quel point la personnalité d’Ethan Hunt est-elle déterminée par celle de Tom Cruise ?
Il y a une grande différence entre eux deux : Tom adore faire ces conneries !
Cruise est fan de Cary Grant, et l’ombre de ses films, de La Mort aux trousses aux Enchaînés plane sur la saga. Lequel a influencé Fallout ?
Aucun ! J’ai tout fait pour éviter les influences trop conscientes. Disons qu’il y a peut-être un plan du film qui renvoie à un plan de Rogue Nation qui était peut-être inspiré par Charade... Le seul film que nous avons évoqué avec [le chef-opérateur] Rob Hardy, c’est Le Point de non-retour de John Boorman, qui a clairement influencé un plan ou deux. Mais seulement visuellement.
Ethan Hunt pourra-t-il un jour exister sans Tom Cruise ? Lui survivre ?
Il n’y a qu’un seul Tom et il n’y a qu’un seul Ethan. Et on a de la chance qu’ils se soient trouvés.