Première

AU POSTE !

- ÉRIC VERNAY

Quentin Dupieux lâche L.A. pour une garde à vue française. Si le soleil est le grand absent de ce huis clos, Au poste ! reste sacrément allumé.

L’affiche rend hommage à Peur sur la ville avec Bébel, la photo beige renvoie à l’esthétique des polars 70s, mais le film de Quentin Dupieux n’a rien d’un pastiche. L’auteur de Steak et de Réalité part seulement du genre policier pour le déconstrui­re, craquant ses codes à sa façon, théâtrale et absurde. Si vous espérez des courses de bagnole, des gunfights ou des femmes fatales, fuyez. La promesse de spectacula­ire est désamorcée par le cinéaste musicien, qui se fait un malin plaisir à prendre le titre au pied de la lettre : au poste, on restera donc. Pour palabrer. Et longuement. Dupieux imagine en effet une garde à vue dans laquelle le commissair­e Buron (Benoît Poelvoorde) cuisine Fugain (Grégoire Ludig), un homme bizarremen­t moins préoccupé par le meurtre qu’il est suspecté d’avoir commis que par son estomac. La nonchalanc­e moustachue de Ludig, opposée au zèle nicotiné d’un Poelvoorde en feu (la fumée qu’il inhale sort d’ailleurs de son ventre par un trou) crée rapidement des étincelles. Elles s’intensifie­nt en présence d’un troisième larron, Philippe, flic borgne avec un poil dans la main, incarné par l’hilarant Marc Fraize (vu dans Problemos) : chargé de « garder un oeil » sur Fugain, il finira précocemen­t et littéralem­ent placardisé. À ses jubilatoir­es joutes oratoires se substituen­t d’habiles mises en abyme, péché mignon du réalisateu­r de Nonfilm. La mécanique méta s’installe dès lors, sans s’auto-asphyxier, car débordée par le brio comique d’un casting en or.

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Benoît Poelvoorde

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