AU POSTE !
Quentin Dupieux lâche L.A. pour une garde à vue française. Si le soleil est le grand absent de ce huis clos, Au poste ! reste sacrément allumé.
L’affiche rend hommage à Peur sur la ville avec Bébel, la photo beige renvoie à l’esthétique des polars 70s, mais le film de Quentin Dupieux n’a rien d’un pastiche. L’auteur de Steak et de Réalité part seulement du genre policier pour le déconstruire, craquant ses codes à sa façon, théâtrale et absurde. Si vous espérez des courses de bagnole, des gunfights ou des femmes fatales, fuyez. La promesse de spectaculaire est désamorcée par le cinéaste musicien, qui se fait un malin plaisir à prendre le titre au pied de la lettre : au poste, on restera donc. Pour palabrer. Et longuement. Dupieux imagine en effet une garde à vue dans laquelle le commissaire Buron (Benoît Poelvoorde) cuisine Fugain (Grégoire Ludig), un homme bizarrement moins préoccupé par le meurtre qu’il est suspecté d’avoir commis que par son estomac. La nonchalance moustachue de Ludig, opposée au zèle nicotiné d’un Poelvoorde en feu (la fumée qu’il inhale sort d’ailleurs de son ventre par un trou) crée rapidement des étincelles. Elles s’intensifient en présence d’un troisième larron, Philippe, flic borgne avec un poil dans la main, incarné par l’hilarant Marc Fraize (vu dans Problemos) : chargé de « garder un oeil » sur Fugain, il finira précocement et littéralement placardisé. À ses jubilatoires joutes oratoires se substituent d’habiles mises en abyme, péché mignon du réalisateur de Nonfilm. La mécanique méta s’installe dès lors, sans s’auto-asphyxier, car débordée par le brio comique d’un casting en or.