INCONNUS À CETTE ADRESSE
Parce
qu’on n’a pas les yeux rivés sur la programmation d’Arte (un tort), on est tombé dessus un peu par hasard. On en avait entendu parler mais ce doc nous avait échappé. Jusqu’à ce qu’un soir, à quelques heures du bouclage, on lance Les Enfants du 209 rue Saint-Maur. Le film commence en brouillant les pistes. Un immeuble, une cour intérieure, les années 30, des gens de toutes les nationalités... Et puis, doucement, la cinéaste Ruth Zylberman installe son dispositif ; l’enquête débute. En partant à la recherche des anciens habitants du 209 et de leur destin sous l’Occupation, la réalisatrice fait remonter à la surface un passé que la plupart avaient oublié, renié ou même fui. Parcourant le globe pour retrouver Henry, Albert, René, Odette, Jeanine, Jacques et René, elle remonte le fil ténu des souvenirs absents, écoute les détails précieux, les silences douloureux et fait émerger du noir qui la recouvre l’image possible de la mémoire.
C’est le miracle de ce documentaire. Son sujet n’est pas seulement cet immeuble, le Vel d’Hiv ou l’Occupation, c’est aussi (surtout) ces mécanismes par lesquels le cerveau se réapproprie le réel. La cinéaste observe la métamorphose d’informations objectives en sensations subjectives, valse avec la mémoire gigogne de ses témoins et transforme des images jaunies en moments de cinéma. Les larmes coulent, des sourires se dessinent et la parole se libère.
Il y a beaucoup de bons films à voir cet été et vous les trouverez dans ce numéro. Mais si on devait vous donner un conseil, ce serait d’aller faire un tour du côté du 209 rue Saint-Maur (toujours disponible sur Internet). Sans doute le film le plus beau, triste et joyeux vu depuis longtemps.