Première

BANC D’ESSAI

- 5-Ne rien plagier 6-Faire comme si c’était vrai u

Guy, comment écrire un faux tube pour de vrai ?

1-Respecter la période

« On a conçu la musique en fonction du personnage : on a beaucoup questionné Alex sur Guy, il nous a tout de suite dit ce que Guy ne ferait jamais. On avait une liste de trucs à éviter. Et à respecter : le type d’arrangemen­ts, les sons et surtout les textes propres à chaque époque. On devait tenir compte évidemment du style de chaque période. La première chanson composée a été Caresse, sortie supposémen­t en 1985. On s’est évidemment inspirés des chansons françaises du moment, comme celles d’Herbert Léonard, tous ces chanteurs des années 80 qui parlaient un peu de cul sans que ce soit jamais réellement dit. Du cul, sous-jacent, en permanence. Des crooners français pas vraiment vulgaires mais borderline. Comme on est en 85, c’est synthés et boîtes à rythme à fond. »

2-Trouver la ritournell­e

« Il fallait que Caresse soit un tube. C’est la chanson du come-back, qui relance la carrière de Guy dans les années 80. La chanson devait être accrocheus­e, avec un refrain qui rentre dans la tête et qui n’en sort pas... Le cahier des charges était hyper compliqué. Alex voulait des chansons qui devaient avoir été des tubes. C’était écrasant ! OK, il y a des petites recettes, des trucs, des suites d’accord à utiliser, ou à éviter. Au fond, comment écrire un tube, je n’en ai aucune idée. Un tube c’est souvent par hasard, ça tombe du ciel. La mélodie, la petite ritournell­e prime avant tout, le truc qu’on pourrait siffler ou chantonner en « lalala » si on ne connaît pas les paroles... C’est le plus important. La petite mélodie avant tout. « Il faut que vous écriviez un tube par décennie », nous a dit Alex. Sortir un tube c’est énorme, alors cinq ou six ! »

3-Ne jamais se moquer

« C’est comme dans Spinal Tap [Rob Reiner, 1984]. C’est complèteme­nt mon univers, ma musique de jeunesse. Ils sont parvenus à parodier le hard rock des années 80 sans se faire jeter par ce milieu. Alex a réussi la même chose : aucun chanteur de variété de l’époque ne se sentira moqué par Guy. On avait fait beaucoup de parodies musicales avec Alex dans Catherine et Liliane : il a créé Fabienne Quentin, une chanteuse des années 80 entre Kim Wilde et Mylène Farmer. On a fait de vraies parodies. Avec Guy, on ne voulait pas parodier. Il ne fallait pas que les chansons soient drôles, ou moqueuses. Pas question qu’elles soient un foutage de gueule de la période. Au contraire. »

4-Traiter le tube comme un personnage

« Da Di Dou est la chanson star du film. On l’a traitée comme un personnage. On s’est fait plaisir à composer une chanson « épique », comme Mathilde de Brel ou Initiales BB de Gainsbourg... Un truc hyper riche, orchestré à l’ancienne. Alex nous a fait écouter Rappelle-toi Minette de Patrick Juvet, du gnangnan yéyé un peu oublié. Mais en l’entendant, Claude François a commandé à Patrick Le Lundi au soleil. C’est une chanson à l’intro dramatique, au premier couplet mystérieux, un peu doux et sombre, et d’un

u PAR SYLVESTRE PICARD

« DA DI DOU EST LA CHANSON STAR DU FILM. ON L’A TRAITÉE COMME UN PERSONNAGE. » VINCENT BLANCHARD, COMPOSITEU­R DE LA BO DE GUY

coup, BAM ! le refrain part, ensoleillé et léger. Voilà le modèle. Ça nous fait marrer car dans le film, Guy ne supporte pas Claude François. On cherchait vraiment la ritournell­e, et ça marche, mais au fond c’est une chanson compliquée... Je t’attendrai, qui ouvre le film, est hyper simple, trois accords folk-country, à la Richard Antony. Da Di Dou n’est ni facile, ni caricatura­le. »

« C’est comme pour la parodie : interdit. Il ne faut rien plagier, il faut créer du nouveau. La variété française fait partie de notre inconscien­t collectif. Les gosses d’aujourd’hui connaissen­t Claude François par transmissi­on. Dans tous les mariages, dans toutes les fêtes, on a du Claude François, du Michel Sardou ! Je suis né en 1972, je regardais les grandes émissions de variété du samedi soir, Michel Drucker, Maritie et Gilbert Carpentier... Mais pourquoi je connais Richard Antony ? Je n’ai pas souvenir d’avoir acheté un disque de lui. » « On va sortir la BO sous forme de best of de Guy Jamet, avec un inédit. Une face B de 1972. Une chouette petite chanson toute douce, qui n’a pas trouvé sa place dans le film. Façon Nini de Pierre Perret, avec de jolies paroles. Pour créer une fausse face B de 72, on s’est dit : à quoi ressemble une face A de 1972 pour Guy ? C’est génial, c’est sans fin. On a fini par créer des vies aux chansons. Les chansons vivent, elles ne sont plus à nous, elles sont à Guy Jamet. On n’a pas réalisé la BO, c’est Guy qui l’a faite. »

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