Première

TOUS LES CHEMINS MENENT A ROMA

- GAËL GOLHEN RÉDACTEUR EN CHEF

Lavictoire de Roma à Venise a surtout été vue comme le triomphe de Netflix. Ce qu’on a moins discuté, c’est le changement d’ambition d’Alfonso Cuarón. Jusqu’ici, le Mexicain avait su explorer ses tendances expériment­ales dans le cadre d’un cinéma grand public. Quand il fait son 2001, c’est avec George Clooney et Sandra Bullock (Gravity) ; quand il tisse sa grande réflexion sur la fin de la civilisati­on, c’est une SF furieuse, emballée avec un pied dans le cinéma d’action (Les Fils de l’homme)...

Roma est de loin son film le plus radical (n&b, pas de star, une fresque intimiste du souvenir) au point que les studios ont préféré passer la main, laissant Netflix s’occuper de la postprod. Tout cela rejoint la question clé de ce numéro : populaire, qu’est-ce que c’est ? Peut-on faire de la mise en scène ou chercher la grâce tout en restant fédérateur ? C’est ce qui agite l’industrie française ce mois-ci et ce à quoi se confronte Paolo Sorrentino depuis ses débuts. Une quadrature du cercle résolue par Sergio Leone il y a pile cinquante ans avec Il était une fois dans l’Ouest – un film d’auteur terminal qui fut aussi un carton sans précédent dans les salles.

Roma, lui, ne sortira pas au cinéma (ou peu) et l’on ne saura jamais si le film a su trouver son public. On en revient aux formats de diffusion. Où voir les films : en salles ou dans son salon ? Pour quel médium ont-ils été pensés ? Pour le 70 mm ou pour une tablette numérique ? Pour les festivals ou pour les multiplexe­s ? Symbolique­ment, Roma est au carrefour de ces paradoxes. Un film d’art et de prestige, fait pour les écrans géants et les grands festivals mais en partie coupé du public. Être vu à Venise et mourir sera-t-il le nouveau proverbe du cinéma contempora­in ?

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