Première

QUESTIONS À… LADY GAGA

« Appelez-moi Gaga, ou Stefani », dit-elle en nous serrant la main. Croisée à la dernière Mostra de Venise, la chanteuse de Bad Romance débriefe son premier grand rôle au cinéma.

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PREMIÈRE : L’idée des différente­s versions de A Star is Born, c’est de refléter la réalité du star-system à un instant T, non ? LADY GAGA :

Totalement, et je trouve d’ailleurs que la peinture de l’industrie musicale que propose notre film est très juste, très honnête. Si une jeune artiste croise la route d’un manager important qui veut faire d’elle une superstar, il va lui faire des suggestion­s, lui présenter des chorégraph­es, la métamorpho­ser, etc. Je le sais parce que tout ça m’est arrivé ! En chemin, on a peur de perdre son intégrité. C’est ce qu’Ally [son personnage dans le film] dit à un moment : « Je ne veux pas perdre la part de moi qui a du talent. »

Bradley Cooper est plutôt doué en musique, non ?

Grave ! C’est un vrai artiste, un vrai chanteur. Un jour, on était en studio en train de travailler à un des morceaux de Jackson Maine [le personnage de Bradley Cooper dans le film], il a débarqué et s’est mis à râler : « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Ce n’est pas le son de Jack ! » Je me suis dit : « Oh, oh, toi, tu prends la musique au sérieux. » C’était bon signe. Toutes les scènes chantées du film ont été tournées live, il n’y a jamais de play-back.

Quelle est votre version préférée d’Une étoile est née ?

Désolée, je ne peux pas répondre à cette question, je ne veux offenser personne ! Mais sachez juste que Judy Garland est mon actrice préférée de tous les temps… Ce n’est pas un hasard si je fredonne Somewhere Over the Rainbow au début du film.

à son partenaire, Kris Kristoffer­son, s’il a modelé sa performanc­e de rockeur impétueux et défoncé sur Jim Morrison. Kristoffer­son ricane et explique qu’il n’a eu besoin de personne : un musicien délabré, il en voit tous les jours dans le miroir de sa salle de bains.

Miroir, miroir

A Star is Born millésime 2018 arrive aujourd’hui sur les écrans avec des enjeux similaires, tout aussi importants, pour ses têtes d’affiche. Bradley Cooper, vedette du plus gros hit US de 2014 (American Sniper), image d’acteur sympa et décontract­é, change de braquet et s’essaye en même temps à la chanson et à la mise en scène. C’est son Frisson dans la nuit, le moment « Eastwood » de sa carrière. Lady Gaga, au naturel, veut booster une carrière d’actrice entamée à la télé (American Horror Story) et se refaire une virginité artistique en s’affranchis­sant de son statut de diva freak. Garland, Streisand, Gaga : chaque itération d’Une étoile est née est, systématiq­uement, un test de popularité grandeur nature. « Miroir, miroir, dis-moi qui est la plus belle star ? », disait James Mason d’une voix pâteuse et parfumée au whisky dans l’intro démentiell­e de la version de 1954. Un miroir que tout le monde n’a pas toujours le courage – ou l’opportunit­é – de contempler. Cary Grant avait avoué à Cukor que le personnage de Norman Maine était « le rôle d’une vie »... avant de refuser de faire le film et de partir en vacances. Et quand Clint Eastwood cherchait un partenaire à Beyoncé pour livrer sa propre version du mythe, le projet avait, dit-on, intéressé Leonardo DiCaprio et Tom Cruise (Cruise a finalement tourné Rock Academy, déclinaiso­n hard-rock et chevelue d’Une étoile est née). Il existe des dizaines de projets de remakes restés lettre morte, dont un, fameux, avec Whitney Houston et Will Smith, qui faillit se faire dans les années 90. L’idée de casting la plus géniale revenant cependant à Barbra Streisand qui, elle, avait carrément caressé l’espoir de donner la réplique à Elvis Presley. Mais le manager du King, le colonel Parker, n’aimait pas trop l’idée que son client incarne une rock star à la dérive... Comment, aujourd’hui, rejouer A Star is Born dans un monde où la valeur du mot « star » s’est considérab­lement dégradée ? C’est l’une des questions que pose la sortie du film de Bradley Cooper. L’ampleur de son succès (tous ses prédécesse­urs ont été des hits) dira forcément quelque chose sur l’état de l’industrie du divertisse­ment, sur la capacité de celle-ci à fabriquer du rêve et de la mythologie, à propager la légende d’un éternel hollywoodi­en. Alors que les remakes sont devenus la preuve la plus voyante de la panne d’inspiratio­n et de la fainéantis­e des studios, les différente­s versions d’Une étoile est née sonnent plus comme des « reprises » (au sens musical du terme), des variations sur un même thème, un air irrésistib­le qu’on n’arrive pas à s’enlever de la tête, une mélodie qu’on ne peut pas s’empêcher de fredonner. Tant qu’il y aura une industrie du spectacle, il y aura des remakes d’Une étoile est née. D’une certaine manière, il faut qu’il y en ait. Pour continuer d’y croire et prolonger la geste de Selznick. Le héros de l’autre film musical du mois, Freddie Mercury, ne disait pas autre chose en choisissan­t d’enregistre­r The Show Must Go On juste avant de s’éteindre. A STAR IS BORN De Bradley Cooper • Avec Bradley Cooper, Lady Gaga, Andrew Dice Clay… • Durée 2 h 16 • Sortie 3 octobre • Critique page 100

TANT QU’IL Y AURA UNE INDUSTRIE DU SPECTACLE, IL Y AURA DES REMAKES D’UNE ÉTOILE EST NÉE.

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Bradley Cooper et Lady Gaga

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