Première

« CLINT EASTWOOD ! JE NE CROIS PAS AVOIR TOURNÉ AVEC LUI, SI ? »

- CLAUDIA CARDINALE

toujours doublée. J’avais la voix trop grave et je ne parlais pas assez bien l’italien. Ma première langue, c’était le français, parce que j’avais grandi en Tunisie. C’est Fellini qui, le premier, a utilisé ma voix, dans 8 ½, parce que je jouais mon propre rôle.

Vous avez toujours l’accent français, en italien ?

Non, maintenant, je parle très bien. J’ai pris des cours ! Et quand je vais dans les Little Italy du Canada ou des États-Unis, dans ces endroits où il y a eu une importante immigratio­n italienne au moment de la guerre, les gens me demandent : « Claudia, ne parle pas en anglais, parle-nous en italien ! »

Mais vous pensez au film sous quel titre ?

(Elle réfléchit.) Hmm... Il était une fois dans l’Ouest. En français, oui.

Plus jeune, votre immense beauté, vous la viviez comme un pouvoir ou comme un poids ?

Je ne me suis jamais monté la tête avec ça. J’ai eu la chance de tourner très jeune dans Le Plus Grand Cirque du monde [Henry Hathaway, 1964], avec Rita Hayworth et John Wayne. J’avais 18 ans [en fait 25], ils jouaient mon papa et ma maman. Pour moi, Rita Hayworth, c’était un mythe, j’avais vu Gilda, sublime ! Un soir, elle rentre dans ma chambre, et elle se met à pleurer. Je lui demande ce qui ne va pas. Et elle me dit : « Tu sais, moi aussi, un jour, j’ai été belle. »

Attendez, ça, ce n’est pas dans le film !

Non, en vrai ! Moi, je la rassurais, je lui disais combien elle était belle. Mais que voulez-vous (elle s’assombrit à nouveau), elle était nostalgiqu­e du temps qui passe. Où va être publiée cette interview ?

Dans Première.

Oh, c’est un beau magazine, ça ! Voilà, ça m’a touchée, parce qu’elle était encore très belle, justement.

Ça ne vous est jamais arrivé d’éprouver ce genre de sentiment ?

Non ! Moi, d’abord, je ne me suis jamais fait refaire. Je déteste ça ! Ma maman me disait toujours : « Claudia, toi, de toute manière, on ne voit pas tes rides, parce que tu ris tout le temps ! » Et c’est vrai ! Je ris tout le temps ! (Elle rit, en majesté.)

Quand je vois une photo de moi plus jeune, ça me fait quelque chose. Vous, quand vous vous voyez en gros plan en Cinémascop­e, avec la musique de Morricone, ça ne vous trouble pas ?

Non, du tout. En revanche, le fait d’être filmée en très gros plan, avec tous les détails du visage, j’adorais ça. C’était extraordin­aire.

C’est plus compliqué, pour l’acteur ?

Non, ça ne change rien en matière de jeu. Mais à l’écran, c’est incroyable, on a l’impression de voir ce qui se passe au fond du regard.

Votre meilleur souvenir, ce serait quoi ?

Peut-être avec Belmondo, quand on tournait La Scoumoune, dans le Sud. Il m’avait demandé de détourner l’attention du directeur de l’hôtel, en lui faisant des sourires. Pendant ce temps, il balançait tous les meubles dans la rue ! (Rires.) On a gardé de très bons rapports, encore aujourd’hui. Delon, je l’ai vu aux obsèques de Mireille Darc, je ne l’ai pas reconnu, c’est lui qui est venu m’embrasser en me disant : « Angelica ! C’est moi, Tancrède ! » Bon sang, quand on a tourné Le Guépard, tout le monde faisait la queue pour coucher avec lui ! Moi, je n’ai jamais mélangé la vie privée et le cinéma. Et je n’ai eu qu’un homme dans ma vie, un Napolitain. On a eu une fille ensemble mais je n’ai jamais voulu me marier. Quand elle est née, je lui ai dit : « Appelons-la Anaïs. » Il m’a répondu : « Non. Ce sera Claudia. Claudia Squitieri ! Comme si toi tu m’avais épousé. »

Je voulais dire un souvenir d’Il était une fois dans l’Ouest, une scène que vous aimez plus que les autres.

Quand il [Jason Robards] me dit que je fais le meilleur café du monde. « Fais-moi un café... » Magnifique !

Merci pour votre temps. Si vous désirez faire une interview sur toute votre carrière, c’est quand vous voulez, dans Première !

Oh la la, il faudra que je vienne avec tous mes films !

Si vous voulez, on les revoit ensemble à la Cinémathèq­ue.

Et pourquoi pas ? Vous me laissez payer la note, s’il vous plaît ? Ça me fait plaisir.

Certaineme­nt pas. Je veux pouvoir dire que j’ai payé un verre à Claudia Cardinale.

Alors d’accord. C’est combien ? Huit euros ? Bon, ça va. Il fait vraiment un temps splendide aujourd’hui, vous ne trouvez pas ?

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Charles Bronson et Claudia Cardinale

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