Première

LA TENDRE INDIFFÉREN­CE DU MONDE

Kitano, Camus et Van Gogh chez les Kazakhs. Le film ose la compilatio­n référentie­lle et donne des couleurs exotiques au mélo.

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C’est une histoire vieille comme le monde, celle de l’amour impossible entre une princesse et un roturier. La princesse se nomme Saltanat et possède les traits fabuleux de Dinara Baktybayev­a. Le roturier, c’est son ami d’enfance, Kuandyk (Kuandyk Dussenbaev), grand gaillard lunaire qui la suit comme son ombre, de leur campagne (enchantée) jusqu’à la ville (viciée) où sa famille veut la marier. Si ce scénario proverbial revêt une allure inédite, c’est d’abord parce qu’il prend place dans une région, à la frontière entre Russie et Chine, où les gens ont un physique eurasien, parlent russe et se saluent d’un « salam aleykoum » . Mais aussi parce que son auteur, Adilkhan Yerzhanov, possède un style effrontéme­nt postmodern­e et cosmopolit­e. La référence avouée, c’est Kitano, cité d’emblée dans une réplique de l’image clé de Jugatsu, puis un peu partout, d’une scène de slapstick au ralenti à ces plans composés comme des tableaux de maître zen. S’invitent aussi au programme, dans le désordre, Camus (le titre), Van Gogh (Les Moissonneu­rs remplacés par des flics endormis) et même notre Bebel national... Ce syncrétism­e pourrait être éreintant, mais ne cesse de fasciner, revitalisa­nt les genres qu’il touche (mélo, comédie, conte) avec un sens aigu du non-dit et une mélancolie persistant­e. Impossible de rester indifféren­t à ce film d’un autre monde. La tendresse l’emporte.

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