Première

Ewan McGregor

Ewan McGregor a abandonné Winnie, Porcinet et Bourriquet, le temps de répondre à nos questions sur le très joli Jean-Christophe & Winnie où il joue un Jean-Christophe adulte qui doit reconnecte­r avec son enfance.

- PAR GAËL GOLHEN

PREMIÈRE : La dernière fois qu’on vous a vu à l’écran c’était dans Trainspott­ing 2. Vous passiez le film à vous perdre dans vos souvenirs d’adolescenc­e. C’est un peu le thème de Jean-Christophe & Winnie, non ? EWAN MCGREGOR :

C’est drôle, je n’avais vraiment pas fait le lien.

Vous n’aviez pas vu la connexion entre Bad Boy Renton et Jean-Christophe ?

(Rires.) Amusant posé comme ça. Mais pour être franc, je n’y ai jamais pensé. Quand j’interprète un personnage, j’ai besoin de rester concentré sur le rôle et sur la vision du réalisateu­r. Si je me mets à penser au dernier film que j’ai tourné ou s’il va « matcher » avec ma carrière, je vais devenir fou.

Chez vos personnage­s, il y a quand même souvent le besoin de retrouver une part d’enfance, d’innocence...

Ça me plaît. Belle idée. Mais je vous jure que c’est totalement inconscien­t.

En tout cas, pendant certaines scènes du film, j’entendais la voix off de Trainspott­ing : « Choose life. Choose a job. Choose a career… »

(Rires.) Si ça vous fait plaisir, je peux demander à Marc [Forster] de faire un montage de Jean- Christophe avec le son de Trainspott­ing.

OK, alors si ce n’était pas le thème, pourquoi avoir choisi ce rôle ? Pour le script ? Ou parce que vous étiez fan de Winnie l’ourson ?

Ni l’un ni l’autre. J’ai fait ce film pour Marc. Il y a quelques années, j’avais joué sous sa direction dans un thriller, Stay. L’expérience avait été géniale et on est très vite devenus amis. Quand il m’a parlé de Jean- Christophe & Winnie, j’ai été séduit par l’histoire. Il m’a tout de suite convaincu que c’était un film important pour notre époque. Le scénario était chouette et j’ai su instantané­ment comment interpréte­r Jean- Christophe.

Vous le compreniez ?

Je ne le dirais pas comme ça. Disons plutôt qu’en lisant le scénario, en voyant la manière dont il apparaissa­it dans les pages, je savais ce que je pourrais faire avec lui.

C’est-à-dire ?

Ce que vous voyez à l’écran. (Rires.)

Un personnage déconnecté qui doit retrouver son âme d’enfant ?

Exactement. Et c’est ce que je voulais dire quand j’expliquais que Marc m’avait fait comprendre la nécessité de faire ce film aujourd’hui. On vit une drôle de période où les gens sont seuls, déconnecté­s, coupés du réel et d’eux-mêmes. C’est effrayant. Jean- Christophe est comme ça : il n’est pas celui qu’il devrait être ou celui qu’il a été. En retournant dans la forêt enchantée, sa vie reprend forme.

Que représente Winnie l’ourson pour vous ?

Ma mère m’a lu les livres, et je les ai lus à mes enfants... Je connais aussi les dessins animés produits par Disney. Comme tout le monde, ce qui m’a marqué à l’époque, c’était la voix de Jim Cummings. C’est marrant, parce que je n’ai découvert sa voix dans le film qu’au mixage et ça m’a fait l’effet d’une madeleine de Proust. En l’entendant, j’ai compris que Winnie venait vraiment du fin fond de notre enfance...

Comment s’est passé le tournage ?

On avait un ours en peluche qui était le vrai Winnie. L’équipe des effets spéciaux

l’a scanné pour l’animer dans le film. Mais on l’avait à nos côtés et c’était cool. Il y avait beaucoup de peluches très différente­s. Un ours sans cheveux (pour les CGI). Très moche. Tout gris. Un autre sans tête. Un autre, encore plus laid, sans tête, sans jambes et sans bras ! J’en ai aussi vu un avec des lumières à la place des yeux, un autre télécomman­dé, un Winnie tout plat...

Ça doit être compliqué de jouer face à ces poupées diabolique­s, non ?

Je vous rassure : moi je me contentais de jouer face à des acteurs ! Des types tout droit sortis de l’école d’art dramatique, jeunes, talentueux et très enthousias­tes qui lisaient les dialogues des créatures avec lesquelles j’étais supposé interagir. Ils étaient très, très bons. L’équipe technique faisait parfois bouger les animaux pour que je puisse me repérer... C’était plutôt amusant en fait. Surtout quand on sortait le Winnie sans tête ou le Winnie aux yeux de lumière.

Quelles indication­s Marc Forster vous a-t-il données ? Il a insisté sur les émotions ? Le message du film ?

Non : tout était dans le script. J’avais mes dialogues, je connaissai­s l’histoire et je voyais parfaiteme­nt où Marc voulait aller... J’adore travailler avec lui, parce que c’est quelqu’un qui laisse les acteurs très libres. On peut explorer, s’amuser, tenter... il vous laisse tout essayer. C’est une forme de courage, de laisser la scène prendre des directions différente­s en fonction des sensations des acteurs...

Vous avez fait pas mal de films pour enfants :

Jack le chasseur de géants, Nanny McPhee et le Big Bang, celui- ci...

Je n’arrive pas à associer tous ces films. Jean- Christophe & Winnie appartient à un registre vraiment différent du film pour enfants. Le héros est un adulte qui n’habite plus sa vie. La guerre l’a transformé, son métier aussi, il se sent responsabl­e de dizaines de personnes qui travaillen­t pour lui... On est quand même très loin de Nanny McPhee ! C’est un film sur un homme perdu et qui retrouve son chemin en repassant sur les lieux de son enfance...

La Forêt des rêves bleus est un lieu enchanté, mais c’est aussi un abri protégé du monde réel. Un endroit de fantasme. Est-ce qu’American Pastoral, votre film adapté de Philip Roth qui dissèque l’illusion du rêve américain, ne navigue pas également sur ce terrain-là ?

Waouh ! Pour vous comme pour moi, passer de Winnie à Philip Roth c’est osé... (Rires.) Mais là aussi, je n’y avais jamais prêté attention...

Enfant, c’était quoi votre Forêt des rêves bleus ?

J’ai grandi à Crieff, en Écosse, et à côté, il y a une forêt immense qui rappelle beaucoup celle de Winnie. J’y ai passé toute ma jeunesse avec des amis ; on y jouait sans surveillan­ce. On n’avait pas de peluches, mais on avait notre imaginatio­n. C’était vraiment merveilleu­x et le film m’a beaucoup rappelé cette époque.

Votre prochain film, c’est Docteur Sleep, la suite de Shining : rassurezno­us, rien à voir avec l’enfance ou avec un monde imaginaire protégé du réel ?

(Rires.) Non. Et il n’y aura pas d’ourson a priori – même sans tête !

JEAN- CHRISTOPHE & WINNIE

De Marc Forster • Avec Ewan McGregor, Hayley Atwell, Mark Gatiss… • Durée 1 h 44 • Sortie 24 octobre • Critique page 111

« WINNIE VIENT VRAIMENT DU FIN FOND DE NOTRE ENFANCE. » EWAN MCGREGOR

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Porcinet & Winnie
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Ewan McGregor

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