Première

LaLettredu­Kremlin (1970) LePontdese­spions (2015), JSA(JointSecur­ityArea) (2000),

Après le rapprochem­ent des deux Corée, ce film aurait pu se faire balayer par la marche de l’histoire. Mais il se révèle encore plus beau en temps de paix.

- FRANÇOIS GRELET

Il existe bel et bien deux versions de ce film-là. La particular­ité, c’est qu’elles sont rigoureuse­ment identiques. Récit d’espionnage 90s auscultant comment les rapports entre les deux Corée se sont soudaineme­nt réchauffés (puis immédiatem­ent refroidis) via l’entremise d’un agent infiltré, The Spy Gone North pouvait encore s’envisager il y a quelques mois comme la métaphore d’un échec perpétuel, un film spirale autour d’un dialogue impossible. Sauf que fin avril 2018, les dirigeants du Nord et du Sud ont décidé qu’il serait temps de se serrer la main près d’un poste-frontière et la scène géopolitiq­ue s’est retrouvée cul par-dessus tête, tout comme le long métrage de Yoon Jong-bin, qui venait juste d’être terminé. Ainsi, le monde qui sépare les deux « versions », c’est tout simplement le nôtre. Le fait que le film ne se retrouve jamais ringardisé, mais toujours revitalisé par ce coup de théâtre inouï n’est pas tout à fait un miracle, plutôt un bon indice sur son horizon de cinéma : humaniste à grande échelle et hors du temps. Qu’on le regarde comme un constat désabusé ou comme un enregistre­ment, par mégarde, du tout premier acte vers la réconcilia­tion, The Spy Gone North reste pertinent parce que jamais obsédé par l’idée de nous renseigner sur « l’état du monde ». Comme son cousin hollywoodo-berlinois, Le Pont des espions, il préfère en dessiner calmement les fluctuatio­ns et les vents contraires. Agents infiltrés, militaires zélés, dictateurs à caniche : les salauds de la veille seront peut-être les héros de demain. • Corée du Sud • Lee Sung-min, Ju Ji-hoon… •

uYoon Jong-bin • 2 h 23 • Hwang Jung-min, 7 novembre

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France