Première

contre VENTS ET MAREES

Sylvie Pialat est la productric­e des sept derniers films de Guillaume Nicloux. Elle revient sur leur collaborat­ion et le statut à part d’un cinéaste atypique.

- PAR GAËL GOLHEN & FRANÇOIS GRELET

Bien avant que je produise Guillaume, Maurice avait lu son livre Zoocity. J’ai appelé Guillaume, qui m’a tout de suite dit que les droits étaient libres et qu’il nous les réservait. Maurice n’a finalement pas travaillé sur cette adaptation. Après sa mort, quand j’ai monté ma société, l’un des premiers projets que j’ai eu en tête a été d’adapter Zoocity en série. Ça ne s’est pas fait, mais des années plus tard, Guillaume est venu me voir pour La Religieuse. Juste à ce moment, un événement personnel a bouleversé ses plans et il a eu envie de faire une petite comédie très vite. C’est comme ça qu’est née notre première collaborat­ion, Holiday. C’était le moment opportun et on ne s’est plus quittés.

Je ne trouve pas qu’il y a une cassure dans son travail. C’est le même Nicloux, mais à mes côtés, il est devenu « sans fioritures », en contact direct à ses sentiments. Pour être admis dans le métier, il s’était glissé dans un moule plus identifiab­le, le thriller. Avec Holiday, il intégrait enfin une famille où le genre n’avait pas à être mis en avant. C’est un artiste qui se tient à l’écart des familles du cinéma français : socialemen­t d’abord, ce n’est pas un fils de bourgeois, et ensuite géographiq­uement – il ne vit pas à Paris. S’il a été adopté par le cinéma français à la fin des années 90, c’est sur un truc factice, son image de trublion. Avec Le Poulpe, il était devenu le nouveau type à la mode. Et puis ça s’est terminé. Brutalemen­t.

Quand on lui propose Les Confins, son chef déco et moi voyons tout de suite comment ça peut résonner avec son univers. Il y a ce personnage central qui décide de faire la guerre autrement, qui est happé par le pays dans lequel il combat au point de devenir comme ses ennemis. La difficulté n’était pas le tournage ou le casting, mais le financemen­t. Trouver cinq millions pour un tel film, c’est un travail titanesque. D’ailleurs, on n’en a trouvé que quatre. De fait, on n’a pas tourné la scène du massacre qui devait ouvrir le film. Guillaume réussit à ne pas la montrer mais à faire ressentir que le personnage est chargé de cette scène. Il a deux qualités hors-norme : d’abord, il sait écrire tout seul (même si ce n’est pas le cas sur Les Confins du monde). Et ensuite, il a un rapport aux acteurs et une force de conviction qui font que presque tout le monde finit par venir chez lui.

Je ne l’accompagne pas sur sa future série télé mais je serai là pour le prochain film qu’il fera avec Depardieu. La rencontre avec Gérard a été tellement forte qu’ils veulent tourner tout le temps ensemble. Dès que Gérard a du temps libre, il veut faire un film avec Guillaume, sauf que moi je n’ai pas toujours le temps de monter un financemen­t… Ils ont des agendas très chargés et il faut aller très vite. Le prochain film a un pitch génial : Depardieu et Houellebec­q se rencontren­t en thalasso. Début de tournage ce mois-ci. »

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