Première

Les Confins du monde ;

Récit de l’Indochine, le film de Guillaume Nicloux montre la guerre comme un cauchemar halluciné, et poursuit les dérives spleenatiq­ues du réalisateu­r.

- GAËL GOLHEN

Il y a cette image incroyable à l’orée du film : Gaspard Ulliel, en position christique, plein cadre, s’effondre. Dès cette ouverture, lente et majestueus­e, on sait que l’on va, non pas suivre, mais être Tassen, ce soldat déphasé qui entame son voyage (venger son frère mort dans un massacre indochinoi­s en retrouvant ses bourreaux). Guillaume Nicloux fait dériver ses spectateur­s avec son héros, glissant de station hallucinée en station hallucinée, de fumerie d’opium en villages détruits, à la recherche d’un ennemi qui va finir par le dévorer. Les Confins du monde est un film étrange qui ne ressemble à rien de connu. Un film de guerre baignant dans un climat durassien, un film d’amour aussi, quand Tassen rencontre une jeune Indochinoi­se qui va progressiv­ement changer son regard sur le conflit, et un film de fantôme, enfin, avec l’apparition spectrale de Depardieu qui emmène le film sur des territoire­s métaphysiq­ues... On pense bien entendu à Coppola ou à Fuller, mais la mise en scène de Nicloux n’est pas baroque ou sauvage. Elle est physique, exsude la chaleur, l’humidité, transpire la lumière verdâtre des limes. On sent la sueur, le sang, la boue... toutes ces sensations qui nous font toucher du doigt la solitude de Tassen coincé dans un temps et un espace qui ressemblen­t de plus en plus à un rêve. On est en 1945, le conflit indochinoi­s ne fait que commencer, mais déjà les hommes habitent leurs propres cauchemars.

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