L’Amie prodigieuse
Le roman d’Elena Ferrante, vendu à plus de dix millions d’exemplaires dans le monde, dont trois chez nous, débarque en série. D’entrée, l’adaptation de la saga transalpine marche dans les pas de son modèle. Quitte à trop en faire ?
Son succès prédestinait la tétralogie littéraire d’Elena Ferrante à être transposée à l’écran. À l’origine, un premier roman qui raconte l’éveil et l’émancipation, dès les années 50, d’une jeune Napolitaine, Elena Greco, au contact de Lila, camarade de classe à son opposé. Entre elles se noue une relation tumultueuse, mais fondatrice, qui va traverser les âges. Produite pour HBO et la Rai, l’adaptation a été confiée à Saverio Costanzo (Hungry Hearts), épaulé par un duo de scénaristes et l’auteure elle-même, véritable gardienne du temple. Que les fervents lecteurs de L’Amie prodigieuse se rassurent : cette adaptation démarre bien.
UNE VOIX DE TROP. Au cours des deux premiers épisodes (sur huit) de la première saison, Costanzo, qui réalise l’ensemble, se penche naturellement sur la prime jeunesse de son duo de personnages. Racontés à hauteur d’enfant, ces débuts entraînent dans l’effervescence d’une société en ébullition, où tout le monde se connaît, se jalouse, s’invective ; et résument parfaitement l’essence des premiers chapitres de l’oeuvre. Le patriarcat pèse comme une chape de plomb sur ses héroïnes, la perspective d’avenir se limite au quartier, ligne de front et théâtre d’une violence brute... Même l’imaginaire qui hante ses héroïnes se manifeste par petites touches discrètes. C’est à peine si le scénario remodèle légèrement la structure du roman pour qu’il paraisse plus fluide à l’écran. Un air de ne pas y toucher qui bute pourtant sur une narration en voix off, héritée du livre, mais sursignifiante à l’écran. Régulièrement, l’artifice appuie inutilement le propos, au risque de ruiner l’expression de sa mise en scène. Surtout quand celle-ci parvient à saisir le regard et les sentiments de ses jeunes protagonistes, bien castés, et que Max Richter (artisan de la partition élégiaque de The Leftovers) contribue à l’émotion de l’instant. Et après ? On s’arrêtera là faute d’en avoir vu davantage. Mais la série a de quoi voir venir : trois nouvelles saisons devraient suivre. Comme le nombre de romans dont elle s’inspire.