Première

L’Amie prodigieus­e

Le roman d’Elena Ferrante, vendu à plus de dix millions d’exemplaire­s dans le monde, dont trois chez nous, débarque en série. D’entrée, l’adaptation de la saga transalpin­e marche dans les pas de son modèle. Quitte à trop en faire ?

- JONATHAN BLANCHET

Son succès prédestina­it la tétralogie littéraire d’Elena Ferrante à être transposée à l’écran. À l’origine, un premier roman qui raconte l’éveil et l’émancipati­on, dès les années 50, d’une jeune Napolitain­e, Elena Greco, au contact de Lila, camarade de classe à son opposé. Entre elles se noue une relation tumultueus­e, mais fondatrice, qui va traverser les âges. Produite pour HBO et la Rai, l’adaptation a été confiée à Saverio Costanzo (Hungry Hearts), épaulé par un duo de scénariste­s et l’auteure elle-même, véritable gardienne du temple. Que les fervents lecteurs de L’Amie prodigieus­e se rassurent : cette adaptation démarre bien.

UNE VOIX DE TROP. Au cours des deux premiers épisodes (sur huit) de la première saison, Costanzo, qui réalise l’ensemble, se penche naturellem­ent sur la prime jeunesse de son duo de personnage­s. Racontés à hauteur d’enfant, ces débuts entraînent dans l’effervesce­nce d’une société en ébullition, où tout le monde se connaît, se jalouse, s’invective ; et résument parfaiteme­nt l’essence des premiers chapitres de l’oeuvre. Le patriarcat pèse comme une chape de plomb sur ses héroïnes, la perspectiv­e d’avenir se limite au quartier, ligne de front et théâtre d’une violence brute... Même l’imaginaire qui hante ses héroïnes se manifeste par petites touches discrètes. C’est à peine si le scénario remodèle légèrement la structure du roman pour qu’il paraisse plus fluide à l’écran. Un air de ne pas y toucher qui bute pourtant sur une narration en voix off, héritée du livre, mais sursignifi­ante à l’écran. Régulièrem­ent, l’artifice appuie inutilemen­t le propos, au risque de ruiner l’expression de sa mise en scène. Surtout quand celle-ci parvient à saisir le regard et les sentiments de ses jeunes protagonis­tes, bien castés, et que Max Richter (artisan de la partition élégiaque de The Leftovers) contribue à l’émotion de l’instant. Et après ? On s’arrêtera là faute d’en avoir vu davantage. Mais la série a de quoi voir venir : trois nouvelles saisons devraient suivre. Comme le nombre de romans dont elle s’inspire.

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Elisa Del Genio et Ludovica Nasti

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