Première

Viggo L’ATOUT DE POIDS

Pour son premier film après le succès de Captain Fantastic, Viggo Mortensen devient Tony Lip, brute épaisse et coeur d’or qui conduit un pianiste noir sur les routes inhospital­ières du Sud profond.

- PAR GUILLAUME BONNET

Je ne suis pas forcément le genre d’acteur qui prend ou perd trente kilos pour un rôle. Je n’avais fait ce genre de chose qu’une fois, pour La Route, où je devais être très émacié. Là, c’était essentiel pour rentrer dans le personnage de Tony Lip, ce type tchatcheur, doué pour lire les gens et les situations, mais qui avait aussi le muscle nécessaire pour s’en tirer quand la situation s’envenimait. Il fallait prendre du gras pour incarner un vrai costaud. Il fallait marcher et se tenir d’une certaine façon, et ça, tu ne peux pas te contenter de le jouer. Et puis je devais aussi être pragmatiqu­e. Il y avait beaucoup de scènes où je devais ingérer des quantités inouïes de nourriture. Or, sur un tournage, tu ne le fais pas qu’une fois, mais trois, quatre, ne serait-ce que pour couvrir les angles de prises de vues. Tu bouffes quatre fois plus que ça en a l’air à l’écran ! Et ça a déjà l’air énorme ! D’avoir pris une trentaine de kilos, j’avais l’estomac bien distendu. Je partais le matin sans prendre de petit- déjeuner et ça roulait. Ensuite, je n’avais plus qu’à bouffer. Et fumer. Et fumer en bouffant…

Nick Vallelonga m’a fait connaître sa famille, m’a abreuvé de photos, d’objets, d’anecdotes, de bandes audio et vidéo où son père racontait sa vie en général et ce voyage avec Don Shirley en particulie­r, qui l’avait profondéme­nt marqué, changé. La présence et l’appui de Nick sur le tournage étaient des atouts inestimabl­es. Parfois, j’allais lui demander une précision sur la façon de parler ou de tenir ma clope, et il se mettait à chialer, parce que ça lui faisait vraiment penser à son père. Entre ces moments et le sens du timing de Peter, on était bien. Quand le film a été montré à la famille de Tony Lip et à des musiciens qui ont connu Shirley à l’époque, ils ont tous validé notre interpréta­tion.

Et pourtant, ni Mahershala ni moi ne ressemblon­s aux personnage­s réels. Mais l’esprit général, le body language, la façon de parler, les attitudes, tout ça a emporté l’adhésion des proches. Pourtant, au début, je dois avouer que j’ai hésité à accepter le film. J’avais des doutes, comme pour A Dangerous Method avec Cronenberg, qui me voyait en Freud, alors que je ne m’en sentais pas capable. Parfois, il faut faire confiance à son instinct, mais il faut aussi savoir se fier à celui du metteur en scène. Peter était sûr de lui, et il avait raison. Franchemen­t, il m’a bluffé. Le film est très divertissa­nt, organiquem­ent drôle, avec de la tension dramatique et une véritable profondeur. Réussir à tenir la note, avec un tel rythme et autant de dialogues… c’est assez incroyable. Ce serait un metteur en scène habitué au cinéma “sérieux”, tout le monde crierait au génie. Comme c’est Peter, la première réaction est d’abord la surprise. “Il a fait ça ? Peter Farrelly ? Pour de vrai ?” Je peux vous dire que ce n’est pas un coup de bol, loin de là. Mais un extraordin­aire tour de force, ça oui. »

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