Première

MINUSCULE 2 – LES MANDIBULES DU BOUT DU MONDE

Thomas Szabo et Hélène Giraud signent une suite majuscule à leur saga, épique, émotionnel­le et visuelleme­nt ébouriffan­te, dont l’action se situe cette fois en Guadeloupe, avec sa faune et sa flore fascinante­s.

- CN

Il y a cinq ans, presque jour pour jour (il est sorti le 29 janvier 2014), Minuscule – La Vallée des fourmis perdues démontrait par l’excellence le savoirfair­e hexagonal en matière d’animation 3D, et en particulie­r du studio Futurikon, émule émérite de Mac Guff Line, le studio français lié à Illuminati­on Entertainm­ent. En moins de 1 h 30, Thomas Szabo et Hélène Giraud livraient un fantastiqu­e récit d’aventures ancré dans les paysages réels du parc du Mercantour, raconté du point de vue d’insectes attachants, qui ringardisa­it brutalemen­t tous les films à échelle réduite du même type, de Chérie, j’ai rétréci les gosses à Arthur et les Minimoys. Autant dire qu’une suite était attendue de patte ferme. Suite que ses deux réalisateu­rs ambitieux ont voulue encore plus surprenant­e et épique en transposan­t l’action en Guadeloupe, où atterrit par accident l’infortunée coccinelle, que ses amis, la fourmi et l’araignée, vont tenter d’arracher à son triste sort. Triste ? Pas vraiment quand on connaît la fougue et la débrouilla­rdise des petits protagonis­tes de la saga, taillés pour se sortir des pires situations.

TEEN MOVIE VS BUDDY MOVIE. Le film s’ouvre sur une musique un peu solennelle, qui prend progressiv­ement une ampleur symphoniqu­e impression­nante, digne de Fantasia, à mesure que se dévoile le décor familier du Mercantour. Signée Mathieu Lamboley, cette partition exceptionn­elle (on pèse nos mots) incarne le pari de cette nouvelle aventure, marquée par une extension du Minuscule Universe. Les humains, réduits à des silhouette­s coupées dans la série télévisée d’origine, prennent cette fois une part assez active à l’intrigue puisque c’est, par exemple, à cause d’eux que la coccinelle se retrouve prisonnièr­e d’un carton à destinatio­n de la Guadeloupe – un modèle de séquence slapstick, défloré par la bandeannon­ce. Précisons au passage que la coccinelle en question (on a vérifié) n’est pas celle du précédent épisode mais son enfant. Cette astuce scénaristi­que permet aux réalisateu­rs de creuser un peu plus profondéme­nt le thème de l’émancipati­on au coeur de la saga. Il s’agit cette fois de raconter le passage à l’âge adulte de ladite coccinelle, partagée entre son amour filial et celui, naissant, envers un(e) congénère. Un ressort dramatique classique exploité avec suffisamme­nt d’intelligen­ce et de poésie pour susciter l’empathie des petits et des grands. Parallèlem­ent à cette intrigue centrale, s’en déroule une autre aux accents de buddy movie. La fourmi et l’araignée, devenues copines, embarquent à bord d’un vaisseau volant et traversent mille péripéties qui les mèneront finalement en Guadeloupe. Là-Haut, Pinocchio, L’Odyssée d’Homère et Terry Gilliam sont convoqués dans cette autre histoire à l’ambition délirante, qui s’intègre néanmoins assez naturellem­ent à l’ensemble – auquel on pardonnera un arc convenu et tardif qui rattache in extremis la saga à ses obligation­s écolo.

ÉBLOUISSEM­ENT VISUEL. En cinq ans, les outils ont évolué et le langage cinématogr­aphique des réalisateu­rs avec. Mouvements d’appareils (rares dans le 1) et rendus numériques atteignent ici des sommets de virtuosité. La complexité et la variété des bestioles et des décors caribéens offrent une expérience de spectateur inédite, redoublée par la volonté des auteurs de créer un univers réaliste, perméable au merveilleu­x. Comme dans cette scène où une réunion souterrain­e chez des chenilles majestueus­es se pare soudain d’une ambiance de fantasy saisissant­e. On se croirait chez Guillermo Del Toro. Un enchanteme­nt.

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