Robert Guédiguian
« J’ai tout de suite eu envie d’adapter le roman de James Baldwin » Le réalisateur de Marius et Jeannette fut le premier à porter à l’écran Si Beale Street pouvait parler. Il raconte.
James Baldwin est l’un des plus grands auteurs américains. Celui à travers qui j’ai vraiment pris connaissance de la question noire aux États-Unis. C’est Ariane [Ascaride] qui m’a suggéré un jour de lire Beale Street, comme un pressentiment. J’ai tout de suite eu envie d’en faire une adaptation. Grâce à cette scène où, pour faire innocenter le compagnon de sa fille, cette mère afroaméricaine va à Porto Rico rencontrer encore plus pauvre qu’elle. J’ai alors eu l’idée de transposer ce récit dans un cadre européen, entre Marseille et Sarajevo, lieu emblématique des conflits communautaires.
Pour obtenir les droits, j’ai envoyé une note d’intention à l’agent de Baldwin via sa maison d’édition. J’ai profité d’un voyage à New York, où je présentais À la vie, à la mort ! pour le rencontrer. Ma proposition financière l’a fait éclater de rire : 20 000 francs. Une somme 400 fois inférieure à son dernier deal. Mais cette femme m’a expliqué que la décision appartenait à la soeur de Baldwin qui avait adoré ma note d’intention et voulait voir un de mes films. Je lui ai envoyé une VHS d’À la vie, à la mort ! Deux jours après, j’ai reçu un mot bouleversant où elle m’expliquait que son frère aurait été content que j’adapte son livre.
Sortant de Marius et Jeannette, j’ai voulu réaliser un film très différent, littéraire et stylisé. Avec une construction étrange entre flash-back et textes de Baldwin à l’image. Ce qui constitue à la fois la qualité et le défaut d’À la place du coeur. Mais j’ai su que l’entourage de Balwin avait apprécié. »