Première

HOMMAGE

Avec Samuel Hadida s’éteint un distribute­ur et un producteur indépendan­t de caractère qui a cimenté la cinéphilie d’une bonne partie de notre génération.

- u PAR GAËL GOLHEN

Samuel Hadida

Un cheval ailé. Pégase. C’est la première image qui nous est venue à l’esprit quand on a appris la disparitio­n de Samuel Hadida, le 26 novembre dernier. Distribute­ur et producteur, avec son frère Victor, il avait fondé la société Metropolit­an Filmexport dont le logo était ce cheval divin auréolé d’un cercle de feu et qui galopait dans un ciel rougeoyant avant les longs métrages produits ou distribués par la société... Dans la mythologie grecque, Pégase symbolisai­t à la fois la fougue et l’impétuosit­é, mais aussi l’indépendan­ce et la rapidité. Tout cela résume parfaiteme­nt les qualités de Samuel Hadida.

Car ce logo, on l’a vu et revu devant certains de nos films préférés. Se7en, Shaolin Soccer, Le Pacte des loups, The Devil’s Rejects, Cogan, la série des Expendable­s, À la merveille ou The Master... En plus de la trilogie du Seigneur des anneaux, des Hunger Games et de la saga Resident Evil... Cette liste non exhaustive montre bien le champ d’action de Samuel Hadida : du cinéma d’exploitati­on aux grandes toiles des maîtres, sa passion du cinéma le guidait toujours vers le meilleur du (des) genre(s). D’un point de vue industriel, Samuel Hadida avait su s’imposer comme un acteur majeur du cinéma français, entre les majors locales et les filiales des studios américains. Son flair légendaire lui avait permis au début des années 90 d’appuyer l’émergence d’une « nouvelle vague » de cinéastes yankees. C’est lui qui fit découvrir en France les premiers films de Tarantino (il a distribué Reservoir Dogs), de Roger Avary (il a produit Killing Zoe, et coproduit Les Lois de l’attraction) et de David Fincher puisqu’il s’occupa de la sortie de Se7en. En 1993, il avait même produit True Romance, nouant une relation qui ne se démentira plus avec Tony Scott qu’il épaula dans beaucoup de ses projets (de Spy Game à Domino)... Mais son évident tropisme américain ne l’empêchait pas de suivre ce qu’il se passait sous nos latitudes. Au tournant des années 2000, il changea la face du cinéma populaire français en coproduisa­nt (avec Richard Grandpierr­e) Le Pacte des loups de Christophe Gans, qu’il accompagna durant toute sa carrière de cinéaste.

Cinéphile, explorateu­r insatiable des marges, Samuel Hadida avait également lancé HK Vidéo, une collection de VHS (puis DVD et Blu-ray) dédiée au cinéma asiatique qu’il avait confiée à Christophe Gans, et qui contribua à la reconnaiss­ance du cinéma d’Extrême- Orient. C’est grâce à lui qu’au tournant des années 90 on a pu (re)découvrir John Woo, Jackie Chan, Tsui Hark et Stephen Chow, entre autres. Avec lui disparaît un distribute­ur et un producteur hors norme, mais aussi un homme qui a su paver la cinéphilie d’une génération entière.

À la fin du mythe, on raconte que Pégase fut transformé par Zeus en constellat­ion, pour que sa renommée reste éternellem­ent gravée dans la mémoire des hommes. Il nous reste le logo à jamais indissocia­ble de quelques décennies de cinéma...

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