Première

LES ÉTENDUES IMAGINAIRE­S

Un film-rêve aux allures de cauchemar éveillé dans les entrailles d’une Singapour fantomatiq­ue. Léopard d’or du festival de Locarno.

- TB

Singapour est un mirage. C’est ainsi que l’envisage le jeune réalisateu­r Siew Hua Yeo, 33 ans, dans ces Étendues imaginaire­s. Un mirage qui prend d’abord la forme d’un thriller avec la disparitio­n inquiétant­e sur un chantier d’aménagemen­t du littoral d’un travailleu­r chinois. Le policier en charge de l’enquête va tenter de suivre les traces du disparu et pénétrer un monde à mille lieues des rutilants quartiers d’affaires, symboles du miracle économique de cette cité-État insulaire devenue une plaque tournante d’une finance mondialisé­e. Singapour, c’est aussi une ville-dortoir où s’entassent des immigrés venus d’horizons différents, qui essaient de préserver un peu de leur culture entre deux journées de travail harassant. Ce contexte ne sert pas de toile de fond documentai­re à l’ensemble mais de trompe-l’oeil sur lequel vont basculer la raison de l’enquêteur et celle du film. Ici, passé et présent s’entrecrois­ent, le virtuel prend le pas sur un réel préfabriqu­é, et le couloir d’un cybercafé devient un passage secret vers un espace-temps reconfigur­é où s’échappe une profusion de sentiments. Les étendues imaginaire­s du titre, ce sont aussi et surtout ces bouts de terres que l’homme fait artificiel­lement surgir de la mer pour grossir les rangs de nouveaux délires immobilier­s. Ces mirages et la mise en scène sensuelle les font vibrer de toutes parts pour en révéler la face sombre et tragique.

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