TRADUTTORE, TRADITORE*
Lehashtag a fait son apparition fin février : #traduiscommeNetflix. Et les twittos se sont aussitôt amusés à imaginer de fausses traductions ratées pour dénoncer les non-sens des adaptations de la plateforme. Tout est parti de Roma. Les sous-titres du film d’Alfonso Cuarón étaient truffés d’erreurs ou d’approximations ; à tel point que l’Ataa (Association des traducteurs adaptateurs de l’audiovisuel) s’est fendue d’un édito au vitriol précisant que « faire la liste des fautes d’orthographe et de grammaire, des tournures non françaises, des barbarismes, des phrases qui ne veulent rien dire reviendrait presque à recopier l’intégralité des sous-titres ». En fait, il y a un problème de fond qui dépasse le cas Roma. Depuis une petite dizaine d’années, la VO est devenue la cinquième roue du carrosse, et les traducteurs les expendables de l’industrie. Comme il s’agit d’une des dernières étapes de production, par manque de temps ou pour « rationaliser » les coûts, ce boulot essentiel a été sacrifié. Netflix n’est pas seul responsable, la diffusion des séries en + 24 ou les fansubbers ont également fragilisé la profession. Pour suivre le rythme effréné de diffusion, les chaînes ou les plateformes imposent surcharge de travail et baisse du contrôle qualité. On se contentera de rappeler des évidences : qu’un mauvais sous-titrage mutile un film, parfois pour toujours. Que ce travail est essentiel : la traduction doit restituer avec justesse le sens des dialogues, mais aussi leur ton et la couleur du film, donner à voir l’univers linguistique et culturel de la source… Rogner làdessus, c’est niveler toutes les oeuvres d’art, les amputer de leur subtilité et altérer leur essence. Aggraver la mondialisation du low cost.