THE MISFITS, HISTOIRE D’UN FILM MAUDIT
Été 1960. Hollywood est à genoux, mis à mal par la télévision. John Huston choisit de filmer en noir et blanc une histoire de survivants. Celle des Misfits, que le dramaturge Arthur Miller a publiée en 1957.
Le film évoque le destin de mustangs voués à la boucherie, mais aussi ceux de Roslyn, jeune divorcée, du cowboy solitaire Gay et de leur compagnon, Perce. Tous orphelins de l’Amérique des pionniers. Tous paumés. Quand Miller écrit cette nouvelle, il en fait une lettre d’amour à son épouse, Marilyn Monroe. Mais lorsqu’il s’attelle à son adaptation, c’est pour en modifier le sens à mesure que leur union part à vaul’eau. Marilyn, pourtant, ne peut refuser le rôle de Roslyn. Elle y voit l’occasion de révéler son talent dramatique. Dans le rôle de Gay, Huston songe à Robert Mitchum avant de contacter Clark Gable. Le « King » accepte pour
750 000 dollars, 10 % des recettes brutes et 48 000 dollars par semaine de dépassement. Monty Clift et Eli Wallach complètent la distribution. Le tournage en extérieurs à Reno et Dayton débute le 18 juin 1960, Marilyn et Miller n’arrivant dans le Nevada que le 20 juillet. Une fournaise de 42 ° C les y attend, et le climat est pesant. Tout juste libérée du tournage du Milliardaire, Monroe n’aspire qu’à retrouver Yves Montand. Désespérée, elle s’enferme à Reno, dans sa suite du Mapes Hotel. Sa chevelure est abîmée au point qu’on la force à porter une perruque. Sa peau gâtée réclame un épais maquillage quotidien. Son jeu d’actrice, enfin, nécessite, à chaque prise, l’onction de sa coach Paula Strasberg. Sentant la nécessité de fuir cet enfer, Miller se laisse peu à peu séduire par l’une des photographes du film, Inge Morath. Et tandis que Monty Clift, à la dérive depuis l’accident de voiture qui l’a défiguré, se gave d’alcool et de médicaments, Marilyn, abrutie de Nembutal, arrive chaque jour en retard, et doit effectuer une rapide cure de désintox. Pendant ce temps, Gable ronge son frein. Ayant plus ou moins lâché l’affaire, Huston en profite pour claquer son salaire dans les casinos de Vegas et Reno. Le tournage, exténuant, s’achève le 4 novembre 1960. Douze jours plus tard, un infarctus a raison du coeur, usé, de Gable. Son personnage avait dit à celui qu’incarne Marilyn : « C’est aussi naturel de mourir que de vivre. Ceux qui craignent de mourir sont ceux qui craignent de vivre. » Ayant coûté 4 millions de dollars, The Misfits fut un échec commercial et critique. Hollywood n’aime pas se regarder, sans fard, dans un miroir…