MORTAL ENGINES
La sortie en Blu-ray de Mortal Engines va vous fournir l’occasion de rattraper l’une des plus formidables propositions de cinéma de l’année 2018. Si vous ne l’avez pas vu en salles, pas de panique : c’est presque normal.
On est sincèrement désolés, on a eu du mal à le voir, à l’identifier, on fera plus attention la prochaine fois. Mortal Engines est passé sous le radar. Le film aurait coûté entre 100 et 150 millions de dollars, en a rapporté 83,1 millions dans le monde. Il a fait 583 234 entrées en France à sa sortie, le 12 décembre, dans le tunnel des vacances de Noël, face à Spider-Man : New Generation (788 589 entrées en fin de carrière) et Rémi sans famille (857 515 tickets vendus). Un échec en salles, garanti et certifié. Ultime coup de grâce : en Chine, là où les paris les plus coûteux peuvent se refaire une santé (c’est ce qui a sauvé la peau de Warcraft – Le Commencement en 2016), Mortal Engines est aussi passé complètement inaperçu. Comment est-ce qu’un film aussi gros et aussi imposant a-t-il pu être ainsi ignoré ? Évidemment, les bonus du Blu-ray – pourtant conséquents, techniques et passionnants – ne vont pas nous aider à y voir plus clair dans ce fiasco. Mais par contre, le découvrir en vidéo nous a permis de rattraper le temps perdu. Et ça valait le coup. Oh que oui. Un
vrai blockbuster, constamment spectaculaire, plus porté par l’envie de cinéma de son réalisateur que par ses stars ou un comic book populaire. Dans Mortal Engines, nous sommes sur la Terre d’après l’Apocalypse et Londres est devenu une cyclopéenne cité montée sur roues, qui engloutit littéralement les autres villes plus petites... Un Londres steampunk sur lequel règne un ordre moral et policier victorien. Mortal Engines a dévoré Waterworld et Porco Rosso, Mad Max, Terminator 2, les jeux vidéo Bioshock et Dishonored... C’est le premier film de Christian Rivers, complice de Peter Jackson depuis Braindead en 1992.
EXPENDABLE. Notre estimé rédac’chef, qui n’a vu Mortal Engines qu’en fin d’exploitation, faisait son mea culpa dans son édito de Première n° 493, consacré à Captain Marvel : « C’est sans doute la grande injustice d’une époque qui préfère se ruer sur les rouleaux compresseurs identifiables... », écrivait-il. Et d’ailleurs, l’article du même numéro consacré à la superhéroïne Marvel se plaignait que les blockbusters de studio ne prenaient plus aucun risque et ne misaient réellement que sur des franchises identifiables, ceci étant la clef du marketing hollywoodien. Or le poster de Mortal Engines, aussi bien dans le métro parisien que sur les énormes billboards californiens, ne montrait rien de bien identifiable : le visage de l’héroïne à moitié recouvert d’un foulard rouge, assorti d’un titre flou. Vendu comme ça, Mortal Engines pouvait aussi bien promettre un film de fantasy young adult (souvenir reptilien du nanar abyssal The Mortal Instruments : La Cité des ténèbres) qu’un film dérivé de Cinquante Nuances de Grey consacré à des vibromasseurs meurtriers. Mais un poster moche n’a jamais tué un film, pas plus qu’une bande-annonce un peu trop spoiler ou l’absence de stars.
BLOCKBUSTER. La seule vedette était de facto le réalisateur du Seigneur des anneaux, tout comme James Cameron était la star d’Alita : Battle Angel. Fatalement, on se méfiait un peu. Projeté à la presse seulement quelques jours avant sa sortie (donc difficile à mettre dans un mensuel, par exemple), compliqué à résumer (et donc à vendre ou à conseiller à son entourage), Mortal Engines n’a pas eu le temps de se forger ce qui lui manquait le plus : une identité extérieure. Bref, on est encore une fois sincèrement désolés, mais on est tout aussi convaincus que l’histoire jugera. Mortal Engines est prêt à rejoindre le rayon des magnifiques expendables du blockbuster du XXIe siècle, à se glisser entre les disques de Speed Racer, John Carter et Lone Ranger. Un rayon qui commence à avoir une sacrée gueule, dites donc.