Première

SCÈNE CULTE Les Trois Frères de Didier Bourdon et Bernard Campan

PAR DIDIER BOURDON. « Votre colin, avec ou sans patates ? » Didier Bourdon revient sur la scène des Trois Frères pour laquelle il était à la fois devant et derrière la caméra. « Cent patates ! »

- u PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS LÉGER u ILLUSTRATI­ON GABRIEL DE LAUBIER

Jolie poupée

« Isabelle Gruault est totalement incroyable, impossible de dire si elle a 18 ou

80 ans. (Rires.) On peut imaginer que les parents l’ont eue assez tard et que c’est une fille unique qui a un gros, gros travail à faire chez le psy. Avec Bernard Campan, on était fans de cinéma italien des années 70 et on a presque hésité à la mettre dans une chaise roulante. Bon, finalement on n’a pas osé, de toute façon c’était peutêtre un peu trop. Notre parti pris était qu’elle ne dise pas un mot de toute la scène, on cherchait un côté expression­niste. »

« Cent patates ! »

« La réplique “cent patates !”, on l’a eue dès la première prise. J’ai sorti ça comme un gamin un peu con-con. Je voulais représente­r toute la naïveté de ce personnage qui pense qu’il va s’en sortir avec de l’argent, alors qu’il lui reste un gros chemin philosophi­que à parcourir. (Rires.) Il a tellement le couvercle sur la tête dans cette maison que pour lui, c’est synonyme de libération. Il ne fallait pas trop réfléchir, que ça vienne des tripes, comme quand Stéphanie de Monaco pleure dans notre sketch. C’est du travail, mais aussi beaucoup d’instinct. »

Plans fixes

« Le champ-contrecham­p est un choix de présentati­on de personnage­s. En comédie, on ne peut pas se permettre de faire uniquement des choses esthétique­s, sinon ça ne fonctionne pas. C’est la première scène où l’on voit la famille, il fallait retranscri­re la pression sur mon personnage, façon film de mafieux. Le père qui parle, la fille qui se fait engueuler et se raidit, la mère qui se tait… C’est presque du Sergio Leone. C’est ce qui fait passer le “cent patates !”, d’ailleurs : le gag fonctionne sur le contrecham­p car tout le monde regarde Didier silencieus­ement. »

« Homicide »

« Le plan qu’on ne voulait surtout pas louper, avec Bernard Campan, c’est quand je passe en disant “homicide” pendant qu’ils jouent au Scrabble. C’était un clin d’oeil à Hitchcock ! On l’avait préparé, mais c’est en découvrant le décor qu’on a vraiment imaginé la mise en scène. C’était parfait ce plan large, moi en mouvement qui marque soudain un temps d’arrêt, la réplique qui fait mouche et derrière la tronche du père. Il ne faut pas toujours suivre le story-board, à part pour une scène de cascade : c’est important de se laisser un peu de liberté au tournage. »

Entrée en scène

« Au début, Didier, mon personnage, est dans la chambre, hystérique face au miroir. Il danse dans le couloir en répétant “cent patates” et on le suit en planséquen­ce jusqu’au salon. Au dernier moment, il se redresse et rentre dans son “rôle”. C’est comme s’il passait des coulisses à la scène. Quand il arrive devant les Rougemont, il devient acteur. Au passage, vous noterez qu’il y a plein de cartons dans le couloir : on peut imaginer que le père fait un peu de trafic avec la marchandis­e qu’il récupère, vu qu’il est patron d’une grande surface. » (Rires.)

La France d’avant

« On a tourné à Paris, boulevard Malesherbe­s, je crois. Comme pour le reste du film, pas de studio : c’était un vrai appartemen­t qu’on a retravaill­é avec notre chef décorateur. Dès la lecture du scénario, il avait bien compris que l’idée était de retrouver un côté vieille France, un peu bas de gamme et surtout triste. Les tableaux, les bibelots, le mobilier... C’est l’horreur ! Il fallait que l’univers dans lequel vivait mon personnage soit pesant et poussiéreu­x, pour que le contraste soit évident avec la “pêche” de ses deux frères. »

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