Première

PORTFOLIO The Misfits croqués par Luz

Les désaxés croqués par Luz

- PAR GAËL GOLHEN

Avec Hollywood menteur, le dessinateu­r Luz publie une BD sur The Misfits, le film culte de John Huston avec Marilyn, Clark Gable et Monty Clift. Un making of ? Un portrait de stars et de maboules bigger than life ? Une déclaratio­n d’amour au cinoche ? C’est tout cela qu’il commente ici.

Après son divorce, une femme (é)perdue rencontre un cowboy lessivé qui lui propose de partir à la campagne où ils retrouvent un champion de rodéo aussi fêlé qu’eux. Voilà l’argument de The Misfits (Les Désaxés en VF), le film de Huston resté célèbre pour deux raisons. D’abord parce qu’il était fait d’échos assourdiss­ants à la vraie vie de ses stars. Mais surtout parce que ce chant funèbre serait le dernier film de Clark Gable et de Marilyn Monroe. C’est ce qui a séduit Luz, qui raconte dans Hollywood menteur* les coulisses de ce film pas comme les autres. Entre rêve et réalité, entre portrait de névrosés et reportage sur la Babylone des images, il signe un livre baroque et fou qui parle autant de lui, de nous (et de notre époque) que de ces trois mégastars. À lui la parole.

« Je dois d’abord avouer que je ne connaissai­s pas bien la filmo de John Huston. Mais j’ai une relation particuliè­re au film. Je l’ai découvert en 2014, avec mon épouse. On venait juste de se marier, à Las Vegas, et il y avait du coup un écho très précis. The Misfits m’est tout de suite apparu comme le négatif de ce que j’avais vu à Vegas. On avait découvert une ville colorée, pleine de bruit et de vie et là, je me retrouvais face à un film en noir & blanc, qui se déroulait dans un désert froid,

avec une Marilyn complèteme­nt désex-symbolisée... Je l’ai vu. Je l’ai revu. Encore et encore... Jusqu’à devenir totalement obsédé. J’ai commencé à m’intéresser au making of du film, puis j’ai publié des planches dans Les Cahiers du cinéma. Comme ça, sans savoir où j’allais... Et quand est née l’idée d’en faire un livre, je crois que j’ai commencé à comprendre ce que le film représenta­it pour moi. D’abord, c’est une oeuvre charnière, un film « crépuscula­ire » comme on dit. Morbide. C’était quelque chose à l’époque, et forcément, par un étrange effet d’écho, ça résonne avec ce qu’on vit ici, avec notre propre changement d’époque... Au-delà de ça, ce qui m’intéressai­t c’était l’idée que lorsque tu réduis le film à son essence, il parle de quoi ? De gens qui vivent cachés. Derrière leurs personnage­s, derrière leur vie d’acteurs, derrière une image. J’avais commencé en me disant que j’écrivais une BD sur le cinéma, et puis je me suis rendu compte que je me gourais totalement. Ce n’était pas du tout ça. J’écrivais sur une époque, sur moi. Et sur une femme. Une femme prisonnièr­e. Marilyn, on ne lui avait jamais offert la possibilit­é de crier. Je crois que c’était ça que j’avais envie de dessiner. »

* Hollywood menteur, de Luz (Futuropoli­s).

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