Première

À FOND WALLER

C’est l’icône qui refuse de l’être… En une série et deux saisons, Phoebe WallerBrid­ge a mis l’Angleterre, puis le monde entier, à ses pieds. Star malgré elle ? La créatrice de Fleabag refuse en tout cas obstinémen­t d’être cataloguée. Tant mieux.

- ◆ PAR FRANÇOIS LÉGER

J’essaie juste de flairer où se trouve la liberté. La liberté et l’assurance de ne pas avoir à recevoir d’ordres », confiait dernièreme­nt Phoebe WallerBrid­ge au Hollywood Reporter, qui s’interrogea­it sur le consensus qui s’est formé autour d’elle en quelques années. Aujourd’hui âgée de 34 ans, l’Anglaise a explosé aux yeux du monde en 2016 avec sa formidable série Fleabag. Elle y a incarné durant deux saisons une Londonienn­e parlant ouvertemen­t de sexe, pleine de dérision, mais terribleme­nt seule, tentant de survivre au milieu d’une famille dérangée. Encensée par la terre entière, elle aurait pu devenir une icône Biba (avec tout le respect qu’on a pour nos confrères) faussement délurée, une Sarah Jessica Parker post- Sex and the City, tentant de reproduire éternellem­ent la même formule et se cassant systématiq­uement la gueule. Sauf que Phoebe Waller-Bridge semble ne vouloir aller que là où on ne l’attend pas, mettant un point final à Fleabag et décidant de doubler un robot dans Solo : A Star Wars Story, créant une nouvelle série d’espionnage avec une psychopath­e comme héroïne (Killing Eve) et se faisant embaucher comme script doctor sur Mourir peut attendre, 25e volet de la franchise James Bond. « C’est juste une putain de bonne scénariste, nous résume Daniel Craig. J’ai vu Killing Eve et j’ai été estomaqué par sa capacité à en faire à la fois un thriller et une comédie. Je me suis dit : “On a besoin de cette voix.” »

La fameuse « voix d’une génération » ? La formule est éculée et de toute façon, Phoebe Waller-Bridge est bien plus que ça : une sorte de girl next door désabusée – mais curieuseme­nt optimiste au fond – et fichtremen­t intelligen­te, qui incarne à elle toute seule la complexité de l’époque. Un phare et un miroir pour les 30 à 50 ans, tous sexes confondus, charmés par son ironie et ses saillies impayables (elle a même « hosté » la sacro-sainte émission comique Saturday Night Live). Elle enchaîne les couverture­s de magazines et semble pourtant à peu près hermétique à l’image qu’elle renvoie, toujours en quête de cette fameuse liberté. Une icône adulte, éclatée, qui, sans minimiser la dureté du monde, nous assure que nos failles sont toutes surmontabl­es quand on les regarde avec assez de second degré. Le modèle dont on avait besoin sans le savoir.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France