À FOND WALLER
C’est l’icône qui refuse de l’être… En une série et deux saisons, Phoebe WallerBridge a mis l’Angleterre, puis le monde entier, à ses pieds. Star malgré elle ? La créatrice de Fleabag refuse en tout cas obstinément d’être cataloguée. Tant mieux.
J’essaie juste de flairer où se trouve la liberté. La liberté et l’assurance de ne pas avoir à recevoir d’ordres », confiait dernièrement Phoebe WallerBridge au Hollywood Reporter, qui s’interrogeait sur le consensus qui s’est formé autour d’elle en quelques années. Aujourd’hui âgée de 34 ans, l’Anglaise a explosé aux yeux du monde en 2016 avec sa formidable série Fleabag. Elle y a incarné durant deux saisons une Londonienne parlant ouvertement de sexe, pleine de dérision, mais terriblement seule, tentant de survivre au milieu d’une famille dérangée. Encensée par la terre entière, elle aurait pu devenir une icône Biba (avec tout le respect qu’on a pour nos confrères) faussement délurée, une Sarah Jessica Parker post- Sex and the City, tentant de reproduire éternellement la même formule et se cassant systématiquement la gueule. Sauf que Phoebe Waller-Bridge semble ne vouloir aller que là où on ne l’attend pas, mettant un point final à Fleabag et décidant de doubler un robot dans Solo : A Star Wars Story, créant une nouvelle série d’espionnage avec une psychopathe comme héroïne (Killing Eve) et se faisant embaucher comme script doctor sur Mourir peut attendre, 25e volet de la franchise James Bond. « C’est juste une putain de bonne scénariste, nous résume Daniel Craig. J’ai vu Killing Eve et j’ai été estomaqué par sa capacité à en faire à la fois un thriller et une comédie. Je me suis dit : “On a besoin de cette voix.” »
La fameuse « voix d’une génération » ? La formule est éculée et de toute façon, Phoebe Waller-Bridge est bien plus que ça : une sorte de girl next door désabusée – mais curieusement optimiste au fond – et fichtrement intelligente, qui incarne à elle toute seule la complexité de l’époque. Un phare et un miroir pour les 30 à 50 ans, tous sexes confondus, charmés par son ironie et ses saillies impayables (elle a même « hosté » la sacro-sainte émission comique Saturday Night Live). Elle enchaîne les couvertures de magazines et semble pourtant à peu près hermétique à l’image qu’elle renvoie, toujours en quête de cette fameuse liberté. Une icône adulte, éclatée, qui, sans minimiser la dureté du monde, nous assure que nos failles sont toutes surmontables quand on les regarde avec assez de second degré. Le modèle dont on avait besoin sans le savoir.