Première

Franck Gastambide

Grand fan de rap, le cocréateur de Validé nous raconte la genèse de la série.

- EO

Comment vous est venue l’idée de Validé ?

Pour la BO de Pattaya, j’ai passé mes nuits dans les studios de DJ Kore [célèbre producteur de rap], je me suis retrouvé dans les histoires, les embrouille­s, et très vite je me suis dit : il y a une série à faire. Les Américains ont Atlanta, Empire, Power… en France, rien. Il m’a fallu ensuite convaincre Canal+, avec qui je travaille depuis dix ans, que la clientèle du Bureau des légendes et d’Hippocrate avait envie de voir ça.

Avec tous ces guests, Validé est un peu le Dix pour cent du rap français ?

La comparaiso­n me fait plaisir, mais ma référence c’était plutôt Entourage, et un peu Gomorra. Pour les caméos, j’ai profité de mon carnet d’adresses et du fait que les artistes étaient très enthousias­més par le projet. Même si certains devaient être rassurés comme Mac Tyer, parce que les mecs mettent en jeu leur image, leur crédibilit­é. Maintenant, ce sont les premiers VRP de la série.

Le casting a été compliqué ?

C’est l’ascension d’un phénomène du rap, donc il fallait quelqu’un d’irréprocha­ble derrière un micro. Aucun directeur de casting ne nous a dégoté cette perle rare. C’est par le milieu du rap qu’on a trouvé Hatik, qui n’avait aucune expérience d’acteur. Pareil pour Saïdou ( William), qui vivait en foyer quand il est venu au casting, ou Brahim, que j’avais repéré sur des stories Instagram d’Hakim Jemili. C’était un gros pari. Il a payé vu les retours qu’on a. Canal+ a d’ailleurs déjà commandé la saison 2. ◆

Àqui peut bien appartenir cette drôle de série, singulière­ment cadencée (10 × 30 min), zigzaguant entre la comédie noire et l’épouvante et jamais très évidente sur son horizon ? À première vue, c’est d’abord Apple TV+, le récent service de streaming lancé par la multinatio­nale, qui tient à s’adjuger la propriété de Servant. Logique : la firme tient enfin un petit succès critique au sein d’un line-up de départ parfois moqué, souvent ignoré. Renouvelée pour une saison 2 au milieu de sa diffusion, accusée à peu près au même moment de plagiat (un film réalisé en 2013, La Vérité sur Emanuel, lui ressembler­ait de manière troublante), transformé­e en monolithe noir par des limiers du net désireux de cracker ses mystères, Servant cochait en quelques semaines toutes les cases qui font les petites attraction­s industriel­les et pop-culturelle­s. Soyons honnêtes, la série ne débarquait pas non plus dans nos salons en total outsider au pedigree immaculé. Vendue sur le nom de M. Night Shyamalan, elle misait fort logiquemen­t sur le réalisateu­r de Sixième Sens pour mettre en valeur le petit fumet post- Quatrième Dimension (eh oui, on n’en sort jamais !) qui entoure son pitch vaguement socio, complèteme­nt weirdo : une poupée, censée calmer la détresse d’un couple venant de perdre son nouveau-né, prend soudaineme­nt vie au contact d’une mystérieus­e domestique, la servante du titre. Ça aurait fait un super épisode pour une anthologie, ça va devenir un grand barnum étalé sur six saisons.

SATIRE. Grinçante, dissonante, flippante, cette première livraison ressemble en tout cas à du pur Shyamalan débarrassé de tout lyrisme. On y retrouve son humour cinglant, des créatures (pas si) étranges sortant tout droit de La Jeune Fille de l’eau, du suspense en vase clos façon Le Village, sa Pennsylvan­ie natale ainsi que son nouveau chef op, Michael Gioulakis (le génie qui a aussi éclairé It follows et Us). Sa griffe est partout mais c’est peut-être un effet d’optique. Ni créateur, ni showrunner, le réalisateu­r se contente d’emballer les deux meilleurs épisodes (le premier et l’avant-dernier) et de s’offrir un crédit parmi les (nombreux) producteur­s. Celui qui signe de sa main ces dix premiers épisodes s’appelle Tony Basgallop, un scénariste télé britanniqu­e d’une cinquantai­ne d’années, très prolifique chez lui, très inconnu ici. C’est probableme­nt cette racine européenne qui explique que la série privilégie à ce point la satire au mystère. Impitoyabl­e dans sa manière d’observer l’art de vivre du monde gentrifié et la sensibilit­é réfrigérée de l’époque qui l’accompagne, Basgallop prend aussi le risque de laisser tout le reste en jachère (l’avancée de l’intrigue, l’intérêt des révélation­s), notamment dans la dernière ligne droite.

PIETÀ. Les grands bénéficiai­res de ce jeu de massacre en milieu aisé, ce sont les quatre acteurs principaux, tous assez géniaux, que ce soit le couple de bourgeois hors-sol, incarnés par Lauren Ambrose et Toby Kebbell, où le beauf accro aux grands crus, campé par Rupert Grint dans son meilleur rôle depuis les Harry Potter. La grande gagnante de l’entreprise, néanmoins, c’est la servante en personne : Nell Tiger Free est une jeune inconnue anglaise de tout juste 20 ans, qui file autant de frissons lorsqu’on l’imagine succube que lorsqu’on la découvre pietà. Ses longs cheveux noirs plaqués sur son regard très clair et son allure de grande tige fantomatiq­ue infusent chaque plan et offrent au spectacle une part de grandeur mystique et ésotérique, que les auteurs n’ont pas su trouver. Après dix épisodes, plus aucun doute : cette série est avant tout la sienne.

Comment rebondir après Un village français, poignante épopée historique plongée durant sept saisons au coeur de la Seconde Guerre mondiale ? Comme pour éviter de repartir totalement à zéro, Frédéric Krivine adapte une série anglaise des années 90, Cold Feet : Amour et petits bonheurs, qu’il transpose dans la France contempora­ine. Une belle histoire se penche ainsi sur trois couples, liés par l’amitié, qui se trouvent chacun à un moment relationne­l différent. Autour de la rencontre amoureuse semée d’embûches entre les trentenair­es David (Sébastien Chassagne) et Charlotte (Tiphaine Daviot) vont donc se déployer diverses situations qui explorent copieuseme­nt le pacte social, mouvant et incertain, qu’est le couple. Sous forme de comédie romantique à visée fédératric­e, cette première saison aborde des sujets sérieux comme le deuil, l’infidélité, la parentalit­é, le harcèlemen­t sexuel au travail, l’économie souterrain­e ou la précarité, afin de poser une question essentiell­e : que faut-il sacrifier de soi pour qu’un amour puisse tenir durablemen­t ? Réalisée tour à tour par Nadège Loiseau et Marie-Hélène Copti, la série dépoussièr­e la chronique provincial­e et suscite l’adhésion grâce à l’énergie comico-sentimenta­le des six excellents comédiens. Elle flirte aussi avec le soap, histoire d’en expériment­er les risques. Les derniers épisodes, suspendus à un fil mêlant désespoir mélodramat­ique et suspense naturalist­e, pourront déstabilis­er, mais c’est en assumant sa quête de sensations fortes que ce récit enlevé fait naître le désir d’une suite.

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 ??  ?? Rupert Grint et Toby Kebbell
Rupert Grint et Toby Kebbell
 ??  ?? Jean-Charles Clichet, Ben, Louise Monot et Sébastien Chassagne
Jean-Charles Clichet, Ben, Louise Monot et Sébastien Chassagne

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