Aux réacs (depuis 1968)
En mai 68, il tourne Le Gendarme se marie. Une grève des techniciens interrompt les prises de vues. De Funès, l’homme de droite, le catho tradi, enrage. Le vent de l’Histoire balaie les anciennes valeurs. Les premiers « de Funès » post-soixante-huitards soufflent dans l’autre sens. Il y a Le Tatoué, combat à l’ancienne face à Gabin, ou Hibernatus, avec un présent obligé de prendre les habits du passé pour ne pas effrayer un revenant. Les intellos – forcément « gauchistes » – se pincent le nez. Jean Anouilh, qui le dirige dans sa pièce La Valse des toréadors en 1973, constate alors : « [Molière] aussi faisait déjà des grimaces et trop de gestes pour les loges qui se pinçaient le nez (…) Les loges étaient alors de droite, elles sont de gauche aujourd’hui et le parterre, qui n’est ni de droite ni de gauche, hurle toujours de rire. » La balle au centre ? Pas forcément. Il y a des signes qui ne trompent pas : en 2017, le très sérieux quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung publiait un papier d’analyse sur Nicolas Sarkozy où l’on comparait sa gestuelle à celle de... de Funès. Plus récemment, le youtubeur French Faker a collé la tête de Sarko sur celle de Don Salluste ou de Cruchot en nonne pour deux deepfakes hilarants. L’été dernier, la très conservatrice revue Valeurs actuelles mettait de Funès, « Le dernier des géants », en couv. L’un des journalistes en charge du dossier, Laurent Dandrieu, nous explique : « Notre lectorat est particulièrement sensible à la façon dont de Funès incarne une certaine figure de l’autorité à l’ancienne, assez raide, autocratique. Sa remise en cause par un monde plus individualiste et libertaire inquiète. De Funès permet de catalyser, voire d’exorciser certaines angoisses. » Enfin, sur le site du Figaro, l’historien François Huguenin lançait carrément un cinglant : « De Funès, c’est la France ! » Pas touche, donc.