Première

GALAXY QUEST

Par le marteau de Grabthar ! Galaxy Quest débarque pour la première fois en France en Blu-ray, vingt ans après sa sortie. Confidenti­el chez nous, référentie­l aux États-Unis, culte pour tout le monde.

- SYLVESTRE PICARD

La nostalgie étant la grande idée de la pop culture, il n’est pas inintéress­ant de se plonger dans les archives de Première pour retrouver ce qu’on disait de Galaxy Quest à sa sortie française, en octobre 2000 (dix mois après sa sortie américaine : autre temps). Trois étoiles sur quatre pour cette « comédie vive, maligne et pleine de surprises », écrivait Christian Jauberty, au pitch génial ( les acteurs d’une série télé à la Star Trek sont pris pour de vrais héros par de gentils aliens). « Si le film se moque abondammen­t des clichés de « Star trek » [sic] et des rituels ringards de ses fans, il le fait avec une vraie tendresse qui laisse supposer que les scénariste­s, comme tant d’autres, ont vu et revu plus d’épisodes que nécessaire­s. » Mieux noté que Virgin Suicides dans ce numéro (qui élisait Hollow Man de Paul Verhoeven film du mois : autre temps), Galaxy Quest, royalement distribué en France par Universal sur six copies, vendit courageuse­ment 25 614 billets en France. Tout cela disait quelque chose sur le statut de « Star trek » en France : considérée comme un sous- Star Wars ringard, la série créée par Gene Roddenberr­y était très difficilem­ent visible. Star Trek : La Nouvelle Génération fut diffusée sur la chaîne câblée Canal Jimmy en 1996, soit deux ans après la fin de son ultime saison aux États-Unis. Et si vous aviez Canal Jimmy, la priorité était de mater les épisodes de Friends, Seinfeld et Dream On en VOST, plutôt que les aventures de Jean-Luc Picard et de ses copains. Si vous n’aviez pas le câble, tant pis pour vous, il fallait compter sur les petits copains pour vous filer des épisodes copiés en VHS : vous imaginez la galère. C’était aussi l’éternelle bataille de la télé contre le ciné : Star Trek, c’était la petite série pour le petit écran alors que Star Wars, c’était le grand film pour le grand écran. Autant dire qu’en France, que Galaxy Quest soit sorti en salles était déjà un miracle en soi : qui allait bien pouvoir s’intéresser à ce petit film dont la tête d’affiche (Tim Allen) était carrément méconnue dans l’Hexagone (son Super Noël n’avait même pas atteint le million d’entrées chez nous en 1995) ? Pas grand monde, effectivem­ent.

UNIVERS RINGARD. Aux États-Unis, les choses se sont passées différemme­nt : sorti le week-end de Noël 1999 (tout comme L’Enfer du dimanche d’Oliver Stone et Man on the Moon de Miloš Forman avec Jim Carrey : autre temps), Galaxy Quest démarre très

EN FRANCE, GALAXY QUEST

A PRIS L’ALLURE D’UN PETIT FILM CULTE DONT ON RÉCITE AVEC AMOUR LES RÉPLIQUES.

mollement – Toy Story 2 et Stuart Little trustent alors les écrans yankees – mais finit par réaliser de bonnes recettes. Le film, au budget de 45 millions de dollars, a raflé 71 millions au cours d’une carrière américaine très stable, encouragée par un excellent bouche-à-oreille. Pas du tout un flop, non. En France, Galaxy Quest a pris l’allure d’un petit film culte dont on récite avec amour les répliques, à l’instar de Last Action Hero, d’autant plus chéri et adoré que personne ou presque ne l’a vu, et qu’il faisait référence à un univers considéré comme ringard. Mais là où Last Action Hero (gros flop partout, et détesté aux ÉtatsUnis, même par les cinéphiles hardcore) était crépuscula­ire et radicaleme­nt mélancoliq­ue, Galaxy Quest était foncièreme­nt gentil et généreux. Le coup de génie du film de Dean Parisot a été d’envisager le phénomène Star Trek dans sa totalité, fandom compris. Surtout fandom compris. Vingt ans après, que reste-t-il du film ? Eh bien, beaucoup de choses. Considéré par

certains comme « le meilleur film Star Trek jamais réalisé », pour reprendre les mots de l’apôtre geek Wil Wheaton dans le documentai­re Never Surrender : A Galaxy Quest Documentar­y [voir encadré], l’un de ses plus gros fans est Damon Lindelof : « Quand on s’est réunis pour bosser sur le scénario du reboot de Star Trek, avec J. J. Abrams et Brian Kirk, on parlait tout le temps de Galaxy Quest », admet le scénariste. Et effectivem­ent, le script du Star Trek de 2009 offre de troublante­s ressemblan­ces avec celui de Galaxy Quest : même ton méta, mêmes péripéties, même méchant, même McGuffin...

PROTOTYPE MCU. Mais si ce n’était que ça ! En le revoyant aujourd’hui, on est surtout frappé de découvrir à quel point Galaxy Quest ressemble au véritable prototype du Marvel Cinematic Universe, dont chaque film s’envisage de plus en plus comme un concours de cosplay méta, où les acteurs et les héros se confondent, où la pop culture ne cesse de s’autoréfére­ncer (Spider-Man dans Captain America : Civil War utilise une ruse tirée de Star Wars ; Captain America doit devenir son alter ego de fiction pour devenir un vrai héros comme ceux de Galaxy Quest...). Et essayez donc de regarder Les Gardiens de la galaxie après Galaxy Quest. On ne sera pas surpris d’apprendre que Kevin Feige, le patron de Marvel, est un gros fan. Il y a vingt ans, la critique de Première prédisait que Galaxy Quest allait « se loger dans un recoin de mémoire, prêt à resurgir à chaque fois qu’un épisode de « Star trek » passera à la télé ». Et à chaque blockbuste­r SF, aussi. Mais ça, on n’aurait pas pu le prévoir.

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Sam Rockwell, Alan Rickman, Tim Allen, Daryl Mitchell, Sigourney Weaver et Tony Shalhoub

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