Première

PHILIPPE SARDE

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Compositeu­r

1 L’idée d’un conf inement ne m’effraie pas, mais seulement s’il est volontaire. Il faut en être l’auteur. Aller au cinéma est un confinemen­t choisi. En ce moment, bloqué chez moi, je suis à la fois ici et nulle part. J’ai du mal à me projeter. Je repense avec nostalgie au temps d’avant même si la mémoire est très fragile. Tout s’efface très vite. Aller au cinéma, c’est du partage. Je veux croire qu’il sera à nouveau possible, que nous aurons à nouveau le désir de nous rassembler.

2 Les vibrations. Dans une salle, il se passe des choses dans votre corps et dans celui des autres spectateur­s au même moment. On ne se connaît pas, mais on vibre ensemble. Un grand film, vous pouvez le voir seul, vous serez ému quoiqu’il arrive. Un film moyen, en revanche, peut prendre une ampleur particuliè­re en collectivi­té. Il faut donc cet échange. Il me manque terribleme­nt.

3 Je veux voir un vrai bon film… un film qui vous empêche de bouger de la salle, que vous prenez dans la tête. Ce que je recherche, c’est la vraie émotion. Prenez un film comme Parasite de Bong Joon-ho. C’est ça que je veux voir. L’industrie du cinéma mondiale pourra-t- elle encore nous donner un tel film ? J’angoisse un peu.

4 Une salle d’art et essai. N’importe laquelle…

5 C’était il y a dix ans, au Balzac sur les Champs-Élysées, pour découvrir La Loi du silence d’Alfred Hitchcock que je n’avais jamais vu. La projection débute, mais très vite, on s’aperçoit qu’il y a un problème avec les soustitres. Plus grave, le projection­niste a visiblemen­t inversé les bobines. Tollé dans la salle. Le film s’arrête. Une grande discussion s’est alors engagée entre les spectateur­s. C’était passionnan­t à vivre, comme si un second film, bien réel celui-là, venait de débuter. Une projection ne se fait pas seulement de la cabine vers l’écran. Il y a aussi une projection sur les spectateur­s. Et ce jour-là, le public s’est mis lui aussi en mouvement.

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