LES FAUTEUILS DE CINÉMA, LEURS ODEURS, MÊME FAIRE LA QUEUE ME MANQUE !
«Pourquoi retourner au cinéma après cette période de confinement ? Parce qu’aller dans une salle, c’est se retrouver avec des proches et des anonymes au même endroit, en même temps, la tête dirigée dans la même direction pour découvrir une même histoire. C’est ce qui rend l’expérience de la salle magique. Moi, les fauteuils de cinéma, leurs odeurs, même faire la queue me manque ! Il va nous falloir du temps pour vivre à nouveau ensemble. Les choses vont se mettre en place lentement, pour le bien de chacun. Ce que je vis en ce moment à l’hôpital, avec le personnel soignant est exceptionnel. Malgré la peur d’être contaminé et le manque de moyens, je sens un goût du collectif, de faire les choses ensemble, d’être dirigé vers un objectif commun… Cette envie-là rend les choses supportables. Elle donne confiance. Et elle me renvoie, moi, à mes plus beaux souvenirs de spectateur et ils sont nombreux. Deux me viennent spontanément. La projection d’une copie restaurée des Lumières de la ville de Chaplin à l’Action Écoles dans le 5e arrondissement de Paris, il y a une quinzaine d’années, avec un public qui riait aux éclats du début à la fin. Et la première fois où je suis allé au Festival de Cannes, en 2002, pour accompagner mon premier court métrage sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs. Là, j’ai eu la chance d’assister un après-midi dans l’auditorium Lumière à la projection de L’Adversaire de Nicole Garcia adapté du roman d’Emmanuel Carrère autour des crimes de Jean-Claude Romand. Il y avait beaucoup de jeunes Cannois dans la salle, une partie du public n’était pas forcément très cinéphile. À chaque fois que Daniel Auteuil, qui jouait le criminel, faisait un truc répréhensible, des spectateurs criaient : « Scandale ! » C’était dingue, cette sorte d’irrévérence par rapport au cinéma, surtout dans cet endroit qui me paraissait en être le temple. C’était jubilatoire, pas du tout solennel.»