LE CROCODILE DE LA MORT
Cauchemar hillbilly où le réalisateur de Massacre à la tronçonneuse se débarrasse de toute prétention au réalisme pour de la pure hallucination.
C’est un fait, tout le monde (ou presque) s’inspire de Massacre à la tronçonneuse (1974) ; sa granularité, son réalisme crade, sa violence absolue qui vire à l’hallucinatoire… Et le film, malgré ses interdictions diverses, est devenu un classique absolu, tellement cité qu’il pourrait en perdre de sa force et de son sens. Mais si le vrai film séminal de Tobe Hooper était en réalité son long métrage suivant, Le Crocodile de la mort, tourné deux ans après ? Pas évident, avec un titre qui évoque le pire des films de bestiaux post- Dents de la mer, de le considérer ainsi, et pourtant la réédition du film en Bluray par Carlotta permet bel et bien de se poser la question. Vaguement inspiré d’une légende urbaine (ou plutôt rurale) concernant un serial killer bouseux dans le Texas des années 30, Le Crocodile de la mort nous enferme dans un motel répugnant bordé d’un marais, géré par Judd, un redneck dégénéré qui tue ses clients à la faux avant de les jeter en pâture à son crocodile.
Tourné entièrement en studio, Le Crocodile de la mort frappe immédiatement par sa colorimétrie : le ciel nocturne est rouge sang, les ténèbres sont d’un bleu vif. Une matrone zombie à tête de momie tient un bordel, Robert Englund (pas encore Freddy Kruger) joue un plouc obsédé qui se présente comme « Buck, and here to fuck » (Tarantino s’en souviendra dans Kill Bill). Judd, le tueur dégénéré à la faux, est une silhouette de croque-mitaine digne de celle de Leatherface... Hooper tue toute prétention au réalisme et filme un vrai cauchemar, comme un giallo redneck dont on ne pourrait plus jamais sortir. On ne sort pas du cinéma de Hooper. On est ce que l’on mange. u SP