Première

Comment remettre la comédie romantique sur de bons rails ?

Vicky Jones est la meilleure camarade de jeu de Phoebe Waller-Bridge. Avec l’aide de l’incontourn­able «Fleabag», elle a créé Run, une série romantique qui parvient à renouveler le genre éculé de la romcom.

- u PAR CHARLES MARTIN

En ayant un concept en tête

Seriez-vous prêt à tout quitter, sur un simple texto ? Abandonner votre vie sur un coup de tête pour retrouver un amour de jeunesse et filer à l’anglaise avec lui, dans un train de nuit ? C’est le fantasme que Vicky Jones a pitché à la chaîne américaine HBO. Une idée de série qu’elle a mûrie pendant des années : « J’ai toujours été fascinée par les relations amoureuses… surtout d’un point de vue extérieur ! J’aime comprendre comme fonctionne une relation, comment on tombe amoureux, et ce que les deux partis sont prêts à changer pour que ça tienne sur la durée. Parce qu’on est différent dans un couple. Cela fait ressortir le meilleur et le pire de chacun. J’ai toujours eu envie de me pencher sur cette idée très intime. De fait, je savais dès le départ que ça n’allait pas être une comédie romantique traditionn­elle. Qu’on allait explorer l’humain en montrant notamment des comporteme­nts très négatifs. Quand Ruby et Billy sont ensemble, ils ne se comportent pas de la même manière. Ils peuvent être totalement eux-mêmes. Dans toute leur beauté, mais aussi dans toute leur laideur. De mon point de vue, c’est profondéme­nt romantique de pouvoir être soi-même avec quelqu’un. »

En ayant des références solides

Si Vicky Jones a eu envie de se pencher sur le sujet, c’est aussi parce qu’elle aime le genre lorsqu’il est abordé de manière conceptuel­le. « Je suis très fan de Before

Sunrise et du cinéma de Richard Linklater en général. J’aime beaucoup sa manière de raconter comment une relation peut devenir belle et romantique. Mais dans Run, il y a aussi cette idée de fugue et de fuite. Et là, j’ai été inspirée par La Balade sauvage [Terrence Malick, 1973], ainsi que par les films de Hitchcock qui ont nourri le côté thriller de la série. »

En choisissan­t le couple qui change tout

Pour que ça fonctionne, Run avait besoin de trouver un duo qui fasse des étincelles à l’écran. Merritt Wever (Unbelievab­le) et Domhnall Gleeson (Il était temps) ont ce petit truc en plus. « C’était l’une des choses qu’il nous fallait absolument, explique Vicky Jones. Cette alchimie indescript­ible était une priorité. Et quand on les a réunis tous les deux, sur le plateau, on a tout de suite compris qu’il se passait quelque chose de spécial. On a vraiment le sentiment qu’ils sont amoureux. Ils ont cette capacité à faire passer toutes les émotions. Il fallait des acteurs susceptibl­es de comprendre ce qu’on recherchai­t dans la dynamique entre Ruby et Billy.

« JE SAVAIS DÈS LE DÉPART QUE ÇA N’ALLAIT PAS ÊTRE UNE COMÉDIE ROMANTIQUE TRADITIONN­ELLE. » VICKY JONES

Merritt et Domhnall l’ont fait au-delà de nos espérances.

D’emblée, ils ont été très ouverts et on a eu beaucoup de chance de les avoir. »

En créant une héroïne à laquelle s’identifier

Les deux tourtereau­x de Run sont loin d’être parfaits. Ruby est mal à l’aise, lâche, égoïste aussi. Une manière de repenser le standard de l’héroïne romantique habituelle, en la rendant plus accessible : « Phoebe [Waller-Bridge] et moi, essayons toujours d’écrire des personnage­s féminins qui sont pétris de défauts, mais restent appréciabl­es du public. Ce sont des femmes complexes qui ne savent pas ce qu’elles veulent. Elles ne planifient pas vraiment leur vie et sont plutôt du genre à profiter du moment présent. Je crois que ce sont des femmes en qui on peut s’identifier. En tout cas, j’ai cherché à écrire un personnage ancré dans le réel, qui sonne vrai. Qui est tiré de mes observatio­ns de la vie quotidienn­e, mais capable de vous surprendre par la même occasion. Phoebe a développé une héroïne fracassant­e, brute, avec Fleabag, qui fait rire autant qu’elle émeut. J’ai envie de tendre vers ça, évidemment, vers ce style qui flirte entre la comédie et le drame. »

En étant exigeante, jusqu’au bout du script

Impliquée dans l’écriture de Fleabag, mais aussi de Killing Eve, Vicky Jones connaît les ficelles d’une série réussie. Alors, pour créer sa cavale romantique, elle a utilisé les mêmes ingrédient­s : « On voulait écrire quelque chose de différent, de rafraîchis­sant, de jamais vu. Pour cela, une seule solution : travailler et retravaill­er le script. Au début, Run semblait trop familière, du coup, on n’a pas arrêté de multiplier les modificati­ons. C’est très dur d’écrire une romcom qui se mue en thriller. Je crois que le secret réside dans le fait de réussir à créer des personnage­s dont on tombe amoureux, pour qu’on s’engage avec eux, qu’on ait envie de voir ce qui va leur arriver. Phoebe a des attentes très élevées quand elle bosse sur quelque chose. Et moi aussi. Donc, dès qu’on collabore, on en demande beaucoup à tous nos collaborat­eurs. » (Rires.)

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