Un cinéaste sous influences
Les films d’Emmanuel Mouret portent en eux un héritage. La petite musique littéraire qu’ils fredonnent renvoie inévitablement aux beaux parleurs du 7e art tels Sacha Guitry, ainsi qu’aux deux figures tutélaires de la Nouvelle Vague ayant porté haut les vertiges de l’amour : Rohmer donc, mais aussi, et surtout, François Truffaut. « Voilà un cinéaste qui ne s’interdisait rien sur le plan des sentiments. C’est la grande leçon que j’en tire en voyant ses films. Il n’avait pas peur de sublimer les émotions. » Toutefois, la plus grande leçon de mise en scène que Mouret a reçue est américaine : « L’arrivée du chef opérateur Gordon Willis dans le cinéma de Woody Allen a tout changé. Avant Annie Hall, les films de Woody Allen étaient intelligents, drôles certes, mais d’un coup, ça devient de très grands films, d’une grande profondeur, très complexes dans la façon qu’il a de filmer la parole. Willis vient de se rendre célèbre grâce au Parrain de Coppola et cette façon de filmer les scènes de dialogues dans la pénombre. Cela oblige le spectateur à être actif, à reconstituer ce qui lui échappe. Or, l’espace du cinéma est rempli de ce qu’on ne voit pas. De là naît l’érotisme, le désir de connaître, de voir. Le spectateur ainsi investi place sa propre intimité au milieu du champ de l’action. En filmant le plus souvent les scènes de dialogues à l’aide des plans-séquences en mouvement, je peux choisir de masquer ou au contraire de dévoiler des choses au spectateur. Lorsque le visage vient souligner ce qui est signifié par la parole, il ne se produit rien d’intéressant. Le cinéma commence quand le mystère s’incarne. »